Union africaine: des paroles certes, des actes surtout

Lundi, 11 février 2019

Son année de mandat à la tête de l’Union africaine est derrière lui depuis vingt quatre heures. C’était un moment attendu aussi bien par ses admirateurs que par ses détracteurs. A peine le Président Paul Kagame prenait le commandement de l’Union, ‘‘les bilans’’ étaient déjà faits. Aussi bien par un camp que par l’autre. Duquel sommes-nous, vous et moi ? Qu’il me soit permis de croire que nous ne sommes ni de l’un ni de l’autre. Ni de celui qui chante la victoire avant la guerre, ni de celui qui parie pas coute que coute sur un échec évident à l’avance, à coups d’arguments passionnés.

Seul, le Président Rwandais allait confirmer ou démentir le pressentiment de ses pairs africains qui, lors du sommet de Kigali, en juillet 2016, avaient vus en lui, la personne capable d’initier véritablement les changements impératifs au bon fonctionnement de l’Union Africaine. Ce mobile l’avait porté au commandement de l’organisation continentale qui était convaincue que Paul Kagame lui apporterait de sa vision, de son audace et de sa capacité à faire ce qu’il dit. Partis pris mis à part, quel est donc le bilan aujourd’hui ?

 

Une empreinte indélébile

Soyons pragmatiques et le plus objectif possible. Loin des affects et des préjugés. Réalistes. La paix, la sécurité, l’intégration continentale et la diplomatie étaient les choix d’activités de l’équipe 2018-2019, faite de technocrates compétents issus notamment des Nations Unies, de la Banque Africaine de Développement et du cabinet  McKinsey. Neuf personnes, dirigées par le chef de l’Etat Rwandais.

D’entrée de jeu, la direction des réformes de l’équipe Kagame a initié de nouvelles modalités de financement et de fonctionnement de l’Union Africaine, jusqu’alors dépendant à 80% de l’étranger. Pour ce faire, elle a instauré le prélèvement d’une taxe de 0,2% sur les importations des Etats. La taxe servira à financer les opérations de paix et de sécurité.

Les barèmes de cotisation des Etats ont connu un début de révision, en vue d’équilibrer grands et petits pays pour que la balance des décisions ne se penche guère en fonction de la taille d’un pays, au détriment d’un autre. Désormais, les apports financiers des cinq plus grands ne dépasseront plus les 40% du total des cotisations du budget de l’Union. C’est une des stratégies susceptibles de conduire l’organisation continentale à plus d’autonomie, de crédibilité et de respectabilité.

Ensuite, la signature à Kigali, le 21 mars 2018, de l’accord prévoyant l’instauration d’une zone de libre-échange continentale par une très grande majorité de pays, en attendant que les plus réticents finissent dans un délai à moyen terme par les rejoindre, a couronné ce qui était LE succès du Président Kagame à la tête de l’Union Africaine. La Zone de Libre Echange Continentale ouvre la voie à la création d’un marché unique de plus de 1,2 milliards d’habitants.

L’acteur fondateur d’une autre Afrique

C’est historique en Afrique de par la positivité de cet évènement qui impactera fortement la vie économique du continent d’une part et d’autre part, les Africains parlent d’‘‘une même voix’’. Le Bénin, l’Erythrée et le Nigeria ne tarderont pas rejoindre les cinquante deux pays, qui ont apposé leurs signatures sur le projet que dix neuf parlements ont ratifié et que trois autres finiront par ratifier à leur tour. Ne vivons-nous pas là un moment d’unité rarissime ?

Si les pronostics avaient parié sur la capacité à réformer du Président Rwandais, en l’invitant à se lancer sur ce chantier colossal tant rêvé mais resté dans le registre du fantasme, ils ont eu raison. Raison de tous ceux qui, au contraire, avaient estimé qu’il était autoritariste, voire brutal et que c’est ainsi qu’il menait ses réformes au Rwanda.

Et s’il fallait un minimum de fermeté pour mener à bien certains projets de réformes sociétales, après des décennies de discours éloquents d’illustres personnalités qui hélas ne sont restés dans l’histoire que couché sur du papier jauni de n’avoir jamais été dépoussiéré par l’audace de se lancer ? L’héroïsme aujourd’hui, n’est-ce finalement pas de croire en un idéal, d’espérer l’atteindre et d’agir en conséquence envers et contre tous les vents contraires, obstinément jusqu’à la preuve que c’est possible ?

C’est possible. La preuve…

La réponse aux critiques les plus acerbes, d’une virulence amplifiée par les réseaux sociaux, n’est-elle pas de travailler sans relâche à réaliser les projets auxquels l’on croit, de se donner un ou des délais et de les respecter ? Réduire progressivement mais significativement l’illettrisme, la corruption, les abus faits contre la fille et la femme, la malnutrition et la mortalité infantiles, les dégradations de l’environnement, les lenteurs administratives, les formalités d’entrée et/ou de sortie d’un pays africain à un autre, le mal logement, sont autant de défis devenus possibles  à relever.

La preuve ? Au sortir du génocide perpétré contre les Tutsis, il y a vingt cinq ans, tombé plus bas que terre, le pays des mille collines est devenu, bon gré, malgré, contre tous les paris, celui des mille possibilités. Si la réconciliation nationale n’est pas quantifiable, malgré des progrès incontestables, la croissance économique a atteint les 7,2% en 2018, la mutuelle de santé couvre 91% de la population rwandaise, la corruption est parmi les plus basses, Transparency International l’a classé quatrième des pays les moins corrompus en Afrique, la mortalité infantile a baissé de deux tiers, les femmes sont représentées à 64 % au Parlement et présentes dans tous les domaines de la vie Nationale, les infrastructures routières, l’Urbanisation, la salubrité publique, pour ne citer que ces cas de figures, vont bon train.

D’après le Fonds Monétaire International, le Rwanda est ‘‘considéré comme un modèle de développement économique en Afrique sub-saharienne, le Rwanda prépare une Stratégie nationale pour la transformation qui couvrira la période 2018-2024 et qui devra s’attacher à soutenir les changements économiques, sociaux et de gouvernance nécessaires à la réalisation des ambitions portées par la Vision 2050 ’’.

Encore des efforts…

Tout n’est pas rose, loin de là. Dans le domaine de la santé notamment, l’accueil, l’empathie et le suivi soutenu des patients se heurtent encore à ce qui est considéré comme un ‘‘manque d’attention et de compassion’’ très souvent décriés dans le pays. Les patients s’en plaignent très souvent. Le corps médical a beaucoup à apprendre dans le domaine du langage et des attitudes appropriés face à la détresse humaine. Les ressources humaines qualifiées, le service à la clientèle dans d’autres domaines ont aussi de sérieuses difficultés.

Le Rwanda ne réussit donc pas tout. Mais qui réussit tout ? C’est l’esprit d’émulation et de volonté réelle, visible et palpable qui mérite d’être souligné. C’est ce petit pays d’Afrique, scruté dans ses moindre faits et gestes qui fait office de preuve tangible que vouloir, c’est pouvoir. Que le travail acharné paie. Ce n’est qu’ainsi que les jugements d’avance et les pronostics négatifs, tombent à l’eau. Que le vrai visage d’un leadership digne de ce nom se dévoile.

C’est dans cet esprit qu’il faudrait s’abstenir de ‘‘juger’’ l’action du Président Egyptien Abdel Fattah Al-Sissi qui vient de prendre les commandes de l’Union, avant même qu’il ait accompli le moindre geste. Il se penchera sur la Sécurité et l’Economie. Un bilan peut se faire à mi-chemin du parcours, dans les six prochains mois, ou peu avant, après les cent premiers jours ou encore en toute fin de mandat. Plutôt que de voir le verre à moitié vide, l’encourager et le soutenir, c’est vouloir voir le bon coté des choses. L’Afrique a besoin de bonnes ondes.

Arnaud Nkusi

Photo: nation.co.ke

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