Prix africain 2018 décerné au Président Kagame en Afrique du Sud

Entretien exclusif avec l’Ambassadeur du Rwanda

Le prix Africain de l’année 2018 qui distingue et honore les dirigeants qui ont contribué à façonner l’économie africaine et qui impulsent de véritables actions de développement a été décerné au Président Rwandais et Président en exercice de l’Union Africaine.

Le président Paul Kagame a initié les réformes en cours dans l’Union Africaine dont la gestion et l’impulsion de l’autosuffisance des organes et activités de l’organisation.  Salué et reconnu pour son impact, l’initiative conjointe des  All Africa Business Leaders Awards en partenariat avec le réseau de télévision CNBC Africa ne pouvait mieux tomber.

Le Président Kagame au Sommet de G20 en Argentine, a été représenté par l’Ambassadeur en poste au Cap de Bonne Espérance, monsieur Vincent Karega. Nous l’avons sollicité pour un entretien à bâtons rompus sur les raisons du choix de Paul Kagame pour cette récompense, l’occasion pour nous de discuter des questions d’actualité et du regard de diplomate chevronné qu’est l’Ambassadeur du Rwanda en Afrique du Sud.

 

Impaktinfo : Monsieur l’Ambassadeur, vous avez réceptionné le prix All Africa Business Leaders Awards décerné au Président Paul Kagame, dans la vile sud africaine de Gauteng. Quelle lecture faite vous de cette distinction ?

Vincent Karega : Ma lecture de part l’histoire de notre pays ne peut être que longue et je vous suis gré d’être indulgent avec mon long récit à ce propos:
– Ce prix à notre Président comme Africain de l’année élu parmi plusieurs à travers un sondage d’opinions élaboré de CNBC et de Forbes Magazine de part et d’autres de toutes les sous -régions africaines est une validation forte du récent choix des rwandais à 98% pour reconduire Son Excellence Paul Kagame comme Président. En même temps, rouvrir les mandats spécialement pour lui sur demande populaire et pour des raisons uniques bien connues et vécues par les rwandais et le monde attentif au Rwanda.
– Pour moi, pas de surprise mais beaucoup de satisfaction et d’honneur de réaliser que les efforts et les œuvres de notre leader ne passent pas inaperçues. Cela vaut aussi bien pour le Rwanda, l’Afrique que dans le reste du monde. Et ce, malgré les turbulences et les défis de son temps dans une région instable des Grands Lacs.
Pour moi, c’est un honneur de le représenter, de jouir de sa confiance et de travailler avec lui pour changer l’histoire du Rwanda et celle du continent.
-Paul Kagame est visionnaire, brave et courageux, dévoué à une cause noble: restaurer la dignité, l’unité, l’intégrité et la prospérité du Rwanda et de l’Afrique sans complaisance, recherche de prestige personnel et surtout sans peur ni froid aux yeux d’affronter vigoureusement quiconque ou des forces quelconques de résistance aux changements et à la promotion de notre continent. Soient-ils intrinsèques ou extérieurs.
Non seulement il est un combattant politique de carrure, il est tout autant un gestionnaire et un accélérateur avéré d’actions rapides, uniques, transparentes et progressistes.

Impaktinfo : Le Président Rwandais est cette année en exercice à la tête de l’Union Africaine. Puisque vous le connaissez, vous savez qu’il ne se contentera ni de la laisser comme il l’a trouvée, ni même d’en faire juste un acte de présence. Quelle est selon vous, son empreinte aujourd’hui et quelle sera-t-elle en fin de mandat à la tête de l’Union?

Vincent Karega : Bien sûr, le Président Kagame ne peut exercer quoi que ce soit sans actions ni empreintes. Il déteste des rôles symboliques de prestige. C’est un révolutionnaire, un homme d’action révolté et impatient du retard et des bureaucraties sans résultats ni impacts mesurables.
C’est dans cet esprit que beaucoup plus de rencontres décisives des chefs d’Etats, des ministres et même du secteur privé ont eu lieu sous son égide en tant que Président de l’Union Africaine et des réformes ont été impulsées durant l’exercice 2018. Il a aussi été présent pour le Rwanda et l’Afrique à des rencontres intercontinentales et mondiales. Il y était questions de décisions sur les problèmes sécuritaires, des migrations, d’environnement et de promotion d’investissements et commerce, transfert des technologies etc.
De façon la plus concrète, il est plus connu pour deux avancées pertinentes à savoir:
L’accord continental de libre marché, la réforme vers l’autonomie financière du continent par et à travers la contribution annuelle de 0,2 % du volume des importations par pays et de façon obligatoire avec sanction quand cette clause n’est pas respectée.
La mobilisation technique et politique à cette cause est aussi à souligner de sa part pour avoir réalisé aussi rapidement des consensus larges malgré la diversité et la bureaucratie légendaires de notre continent.

Impaktinfo : Vous représentez le pays d’Afrique le plus ‘‘atypique’’ du moment dans le pays africain ‘‘atypique’’ depuis quasiment toujours…

Vincent Karega : Rien d’atypique vraiment. Plutôt, une mauvaise coïncidence de circonstances. Mais à l’instar de mon Président, rien n’est ni insurmontable ni effrayant. Un dialogue continu et franc, des négociations nécessaires et des moments de silence quand les intérêts et les entendements ne convergent pas.
Le plus important, c’est la consistance et la persévérance, le détachement personnel et sentimental des affaires d’Etats et des intérêts des nations.

 Impaktinfo: Vous avez pris vos fonctions en Afrique du Sud dans des moments difficiles pour votre pays, malmené de toutes parts. Le chef de l’Etat que vous représentez était décrié par des opposants installés et en activité en Afrique du Sud, certaines gens de la diaspora congolaise, des organisations des droits de l’Homme, … Comment avez-vous géré votre mandat dans ses moments d’orages et d’éclaircies ?

Vincent Karega : Ma mission est la plus intéressante de ma vie, parce qu’il ya du pain sur la planche.
Il n’y a pas plus facile pour le Rwanda et ses représentants que de faire face à des campagnes mensongères de haine injustifiée ou d’intérêts opportunistes mal positionnés par des groupuscules bouillants mais complètement vide de substance et de programme concrets.
Une partie de la Diaspora congolaise incitée et mal informée d’une situation d’invasion et d’occupation et de massacres de millions de Congolais dans l’Est de leur pays par un Rwanda dévastateur, conquérant d’espace et de richesses minérales du Congo se rendra bien un jour compte que ce ne fut pas le cas.                                      Face donc à une haine congolaise et de certaines ONG internationales, en tant que représentant du gouvernement du Rwanda, il était difficile de changer leur récit mais très facile de prouver le contraire. Le pays prospère grâce aux petites et moyennes entreprises populaires, aux titres fonciers, au crédit pour tous et à un gouvernement facilitateur et le moins corrompu du Continent. Combien des pays africains, asiatiques, latino américains et certains de l’hémisphère du Nord peuvent-ils -ou ont- réalisé des résultats similaires à ceux du Rwanda, connaissant toute la base erronée de départ ? Encore là, notre point fort pour affronter, démystifier ou ignorer purement et simplement ces chantres des cantiques mensongers. Le travail est certes complexe mais pas impossible.
Il est en plus intéressant, parce que la vision et les actions du Président Kagame et de son gouvernement sont impressionnantes, transparentes, tangibles et palpables.

Impaktinfo: N’êtes-vous pas là, monsieur l’Ambassadeur, dans la louange propre à un diplomate en fonction?

Vincent Karega : D’aucune manière. Ecoutez les bénéficiaires. Ils  expriment de la gratitude et de l’admiration au quotidien. L’exercice de ma fonction est un privilège sans précédent, c’est une opportunité rare de réécrire l’histoire d’une renaissance, d’une possibilité dans un océan d’impossibilités. Je suis réaliste et pragmatique, pas rêveur, ni opportuniste.

Impaktinfo : Avec le Président Cyril Ramaphosa, quels sont les défis que vous relevez ? La tache est moins ardue ?

Vincent Karega : Je ne suis pas habileté à juger le Président Sud Africain car, je suis un diplomate rwandais en terre Sud Africaine. Je n’œuvre pas dans son gouvernement. Je suis l’envoyé d’un autre gouvernement auprès du sien. Mon séjour et ma réceptivité par son administration et la population d’Afrique du Sud sont impeccables. Le professionnalisme combiné de l’Ubuntu sud africain dans un pays sur deux océans riche en infrastructures, en histoire politique, flore et faune, la multiplicité raciale et culturelle font une autre valeur ajoutée à mes expériences et à mon sentiment pan africain. Ce pays a des avancées incontestables, des défis relevés et des offres de qualité au progrès de notre continent.

Impaktinfo : Les échanges mondiaux sont très tendus en ce moment à plusieurs égards. Le protectionnisme, le nationalisme, l’antisémitisme, le racisme, les rapports commerciaux, l’étique, la remise en question des valeurs, etc. A quoi se raccroche-t-on selon vous pour espérer de meilleurs lendemains ?  

Vincent Karega : Le Rwanda comme le reste de l’ Afrique doivent déployer énormément d’efforts à produire ce que nous consommons avant de penser aux matières brutes sans valeur ajoutée destinées à l’exportation dans les pays du nord. Dans le cadre de la mise en œuvre du marché commun africain, nous attendons de voir des échanges intra africains augmenter et l’industrialisation progresser pour une plus value. La coopération commerciale avec les pays avancés doit aussi changer. Nous pouvons avoir des investissements conjoints en Afrique dans lesquels les capitaux, les matières premières, les technologies mis ensemble permettront de commercialiser les produits finis au sein même de l’Afrique et ce modèle sera plus gagnant-gagnant avec l’Europe et le reste du monde. Mais bien sûr, pour y arriver il faudra beaucoup investir dans les infrastructures, le capital humain, l’innovation et des partenariats mieux négociés.

Impaktinfo : Vous avez des enfants. Le respect des droits de l’enfant sont une question de l’heure à plusieurs égards. Comment un diplomate de carrière parle t-il du monde actuel aux plus jeunes ? A ses propres enfants ?

Vincent Karega : Un diplomate comme tout autre parent dit aux enfants ce qu’il connait et ce qu’il voit. Mais la nature de la communication entre parents et enfants aujourd’hui, change comparativement aux temps passés où parents et enseignants étaient nécessairement plus informés et constituaient une autorité d’information. Aujourd’hui     l’information sur tout est présente dans les espaces digitaux auxquels la jeunesse a par ailleurs plus d’accès. En tant que diplomates et parents modernes, la communication avec les enfants sur les questions du monde s’articulent sous forme d’échanges. La touche parentale insiste plus sur l’expérience de la vie. Qu’attendre des autres humains et comment vivre en société en y apportant sa contribution. Tous le temps, les situations changent. La flexibilité et la capacité d’adaptation sont des atouts de survie positive et même d’avancement. Le monde ne s’accommodera jamais à nos ambitions et encore moins à nos caprices. Nous ne devrions pas non plus vivre comme des girouettes qui tournent au gré des vents.  Les gages de succès pour la plupart sont fondés sur l’attitude et les comportements avant même le savoir-faire.

Impaktinfo : Vous êtes d’un naturel optimiste ou est-ce un exercice de discipline de l’esprit auquel vous vous astreignez ?

Vincent Karega : Oui, je suis positif et optimiste dans un monde qui n’évolue pas nécessairement de façon linéaire comme nous l’aurions souhaité.
Il est important d’analyser les situations en essayant de toujours comprendre la relation de cause à effet de chaque situation et de son contexte. Analyser les avantages et les inconvénients pour la collectivité.  Il faut aussi savoir influencer sa société en famille, au travail, dans les loisirs, à l’église, dans les valeurs et les actions dans lesquelles nous croyons avec une grande ouverture d’esprit. Savoir aussi apprendre des autres, combiner nos efforts et avancer ensemble. Il est important de toujours s’informer, analyser, communiquer avec les autres et trouver des consensus.

Impaktinfo : Si vous aviez pour mission d’influencer des esprits bien plus pessimistes en regard des conflits qui minent les relations internationales à voir le verre à moitié plein plutôt que le contraire, quel serait votre argumentaire ?

Vincent Karega : Le pessimisme est bien nuisible au pessimiste lui même d’abord et à sa société ensuite.
Sans énergie pour amorcer quoi que ce soit de peur d’échouer ou d’affronter les autres, on finit par être submergé de défis psychologiquement insurmontables et dans le pire des cas, on devient suicidaires ou évasifs.
Il faut toujours porter une mission en soi. Petite ou grande, le tout dépend du contexte. Face à cette mission, se fixer des objectifs réalistes et pragmatiques. Les erreurs sont aussi à prendre comme ingrédients d’apprentissage de la vie. Des erreurs commises, on apprend. Seulement, il faut savoir éviter de répéter les mêmes erreurs. Vivre une relation saine avec soi même en ayant conscience de nos connaissances, de nos talents, en maitrisant notre consommation, notre travail, en remettant le repos, la foi, et les relations à leur juste place. Quand on ne sait pas définir soi même ces facteurs pour notre intérêt, la nature les définit à notre place.

Impaktinfo : Quels seront les grands rendez-vous de 2019 sur le plan de la diplomatie africaine, à votre avis ?

Vincent Karega : 2019 s’annonce avec beaucoup de vigueur en Afrique. Un éveil de solidarité pour se redéfinir, avoir une identité africaine, travailler sur un marché commun, élections, résolutions de conflits, croissance et changements. Mais en tout, l’homme propose, Dieu dispose.


Propos recueillis par Arnaud Nkusi

Photos: Flickr, The Diplomatic Society

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