Bonne foi et bon sens

Le paysage politique mondial de ce début de vingt-et-unième siècle est ce qu’il est avec ses parts d’ombre qui captivent fortement l’attention des milliards de nos contemporains. Il faut du courage et une volonté tenace pour vouloir voir ce qu’il a de part d’embellie. Exiger de notre part critique de regarder du coté des actions positives relève carrément d’un vrai volontarisme. 

S’il est tout à fait normal et légitime de la part des médias de parler de ces trois cent enfants du nord du Nigéria qui ont été découverts en cette fin de semaine par la Police nigériane, ligotés, torturés et violés, il devrait en être fait autant pour ces soixante six migrants qui sont arrivés au Rwanda, jeudi dernier, en provenance de Libye. Et non pas d’en parler comme une brève au milieu d’autres nouvelles dites en quelques secondes.

Sur les cinquante quatre pays africains, seuls le Niger puis le Rwanda ont tendu la main à leurs propres enfants, frères et sœurs du même continent. La beauté et la profondeur du geste ne sont pas assez ‘‘beaux et profonds’’ pour faire la une du ‘‘sensationnel qui vend ’’ et fait monter l’audimat ? Apparemment. Les soulèvements comme celui qui vient de monter en Egypte par contre, font et feront davantage dans les jours qui viennent, le chou gras de l’ ‘‘actualité africaine’’. 

Le Rwanda accueille à dater de jeudi, 26 septembre une trentaine de milliers de migrants africains en provenance de Libye, en partenariat avec le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés et l’Union Africaine. Ils viendront par groupes de cinq cent. Il y a près d’une semaine, peu après midi, le Chef de l’Etat Rwandais, Paul Kagame du haut de la tribune des Nations Unies à New York dit : ‘‘ (…) l’accueil des migrants par le Rwanda prouve que l’Afrique peut résoudre ses propres problèmes ’’ en s’adressant à ses homologues certes, mais au reste du monde aussi. 

Le pays des Mille collines compte déjà sur son sol environ cent cinquante mille réfugiés, notamment au camp de Mahama. Le premier groupe qui compte soixante six personnes est bel et bien arrivé et a gagné le centre de transit de Gashora qui s’étend sur vingt six hectares, dans le district du Bugesera par la voix de son responsable, Elysée Karyango affirmait il ya une semaine : ‘‘ (…) tout est fin prêt pour les accueillir (…) ’’.

‘‘Le pacte mondial traduit toutefois la volonté politique et l’ambition de la communauté internationale dans son ensemble de renforcer la coopération et la solidarité avec les réfugiés et les pays d’accueil affectés’’, dit le Pacte Mondial sur les réfugiées en 2018. 

Le Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières  dit Pacte de Marrakech est un pacte de l’Organisation des Nations Unies. Il est très jeune. Il n’a été adopté que le 19 décembre dernier, par l’Assemblée générale des Nations Unies. Il appartient cependant à la catégorie du droit mou. Cela veut dire qu’il n’est guère juridiquement contraignant, même s’il pourrait avoir des conséquences en termes de responsabilité internationale. 

Le  29 septembre est journée mondiale du migrant et du réfugié. La journée avait été initiée par l’Eglise Catholique en 1914. Cette année, le 29 est un dimanche. Jour de prière pour les chrétiens et autres croyants pratiquants. Qu’est-ce donc que de prier et de pratiquer, si ce n’est de voir sur le visage du prochain le reflet de son propre visage ? Vouloir pour autrui ce que nous désirons pour nous-mêmes ? 

Eviter pour son semblable ce que l’on redoute tant pour soi-même. Lui éviter la soif, la faim, le froid et la précarité de la rue. Cela implique bien plus que la simple bonne intention. C’est d’action(s) qu’il s’agit ici. Ouvrir sa porte et partager avec l’ ‘‘inconnu’’, ce semblable qui nous parait si étranger. Prendre son courage à deux mains, pour faire ce que la situation exige de notre part d’humanité.

Le pape François, fervent défenseur de la cause des immigrés et des réfugiés disait en février 2015 : ‘‘La charité ne peut être neutre, aseptisée, indifférente, tiède ou impartiale. La charité contamine, passionne, risque et implique. Parce-que la charité véritable est toujours imméritée, inconditionnelle et gratuite’’. Il faut de nos jours du courage, voire du militantisme pour risquer l’inconfort qui s’invite chez nous, lorsque frappe à la porte de notre conscience, le cas du semblable dans le besoin. 

C’est ce Pape qui a lui-même reçu le 16 avril 2016 des migrants d’origine Syrienne au Vatican. Il était allé personnellement les accueillir à l’aéroport de Ciampino, à Rome. Le Pape est allé loin dans la symbolique, au point même d’en prendre à bord de son avion ! C’était au retour de son voyage sur l’Ile de Lesbos, en Grèce. Si au départ, ils pensaient tous rejoindre l’Allemagne ou le nord de l’Europe, ils affirmaient à l’époque s’en remettre au Pape François: « nous sommes les invités du pape qui nous a sauvés et nous a redonné la vie« .

Le geste d’humanité plus que symbolique du pays des Mille Collines est d’une éloquence rare. Notre Afrique habituée à l’ ‘‘aide internationale’’ augure peu à peu d’une nouvelle ère en résolvant lentement-sans doute trop lentement- mais sûrement d’une ère d’un minimum de bonne foi et simplement de bon sens.

 

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