Au pays des hommes intègres, les mille collines

Il est vingt deux heures, ce vendredi soir, quand j’arrive à l’aéroport de Kigali. C’est de là que je pars pour le pays des hommes intègres. Le FESPACO, l’un des plus grands festivals d’Afrique nous y appelle de partout. Sa vingt-sixième édition célèbre le Cinéma africain en grande pompe pour les noces d’or. Le cinquantenaire a mis à l’honneur le pays des Mille Collines et ce sont tous les autres pays du monde qui sont conviés à la grande fête.

Direction Ouaga

Lorsqu’à deux heures et quart du matin, le vol s’est dirigé vers Addis Abeba, j’ai pris la mesure du long périple qui serait le nôtre. D’abord Cotonou, au Bénin et de là, Ouagadougou. Nous n’y arriverons qu’après dix sept heures, heure locale, la même qu’en temps universel. Après trois décollages et trois atterrissages, secoués par ces heures en mouvements, le bonheur de fouler le sol qui fut (et reste plus que jamais) celui du capitaine Sankara  est intact !

Cela saute aux yeux (et aux oreilles), les Burkinabè sont chaleureux et paraissent naturellement gentils. Leur sens du respect de l’autre, suscite les premiers commentaires de la délégation rwandaise. Subitement surgit un jeune monsieur, la quarantaine à peine, l’allure sportive, vêtu d’un costume bleu marine qui se présente : ‘‘ Bienvenue au Burkina Faso. Pour vous accueillir, Patrick Koala, chargé d’accueil, assistance et sécurité ici même à l’aéroport. Suivez moi, je vous prie, pour les formalités d’usage.’’

Ce monsieur qui bouge dans tous les sens ne quittera plus la délégation, se chargera de conduire à leurs logements artistes et officiels. Il répondra à toutes leurs demandes et contactera qui de droit pour les questions qui vont au delà de ses compétences. J’observe, je note et m’interroge sur tant d’engagement et de bonheur à se couper en quatre pour je ne sais quelle satisfaction. La température ambiante ne dépasse pas les 32˚, elle supportable, loin de la chaleur suffocante tant redoutée.

Ouverture du FESPACO 26

 Sur les écrans des halls d’hôtels, la cérémonie d’ouverture bat son plein. Les services de sécurité gardent à l’œil le moindre mouvement, les allers et venues. Calmement, mais fermement. Le ballet national Urucyerereza qui était arrivé quarante huit heures plus tôt met le feu à la cérémonie. Le majeure partie du public sur place n’avait jamais ni vu, et encore moins assisté à ce type de spectacle de chants et danses venus des mille collines.

Les costumes colorés des artistes qui occupent tour à tour le podium et dansent sur des rythmes festifs rivalisent de beauté. Le décor affiche en grand le chiffre 50. Les discours officiels annoncent une édition particulière où les cinéastes, les actrices et acteurs, productrices et producteurs, animateurs et journalistes vont vivre de grands moments. Ils resteront mémorables. C’est le moins qu’on puisse dire.

La cinéaste Rwando-Suisse Kantarama Gahigiri, à la fois dans l’équipe de production et actrice dans le film de la première The mercy of the jungle de Joël Karekezi me dit : ‘‘ (…) c’est parti pour des journées et des soirées pleines (…) ce type d’évènement te prends du début à la fin et tu en sors lessivé(e). C’est à la fois passionnant et très intense, tu verras.’’  

Médias 2.0 et table ronde

De manière quasi instantanée, la succession des étapes de l’évènement est relayée sur quasiment toutes les plates formes de médias. Toute une équipe dédiée a fait le déplacement. Rédacteurs, cameraman, photographes et éditeurs sont connectés en permanence et Kigali a l’œil sur chaque publication, au millimètre près. Son image de marque ne se négocie pas.

Oui, Kigali a mis les petits plats dans les grands. Elle prend très au sérieux le fait d’être l’Invité d’honneur du Festival. Mais le pays ne brille pas encore dans le cinéma, à l’instar du Faso ou du Nigeria. Pourtant, c’est un film rwandais qui est programmé en ouverture du Festival. The Mercy of the jungle sera projeté dans une salle pleine à craquer  dimanche après midi, en présence du Président Roch Marc Christian Kabore.

C’est pour marquer sa volonté de soutenir l’industrie créatrice dans le domaine notamment du cinéma que Kigali a dépêché la directrice de l’industrie créatrice au Rwanda Development Board, Teta Ndejuru. Lors d’une table ronde qui avait pour objectif d’échanger avec les acteurs de l’industrie cinématographique présente à Ouagadougou, le Rwanda a tenu à dire haut et fort, par sa voix, qu’il était un lieu favorable au cinéma. Aussi bien pour les cinéastes nationaux que pour ceux désireux d’y tourner. Gaël Faye est actuellement entrain d’y réaliser l’adaptation de son succès en librairie, Petit pays.

Trois films rwandais en lice

Une jeune femme, Marie Clémentine Dusabejambo, et deux hommes Jean Claude Uwilingiyimana et Joël Karekezi avec respectivement leurs deux courts métrages Icyasha, Inanga et un long métrage  The mercy of the jungle, représentaient le Rwanda à cette vingt sixième édition du FESPACO. C’était la toute première fois que le pays était autant représenté à ce festival.

Ces films étaient soumis en compétition court métrage, court métrage documentaire et long métrage. Le Fespaco a été pour tous les participants l’occasion rêvée de rencontrer des confrères, des producteurs, de dénicher des talents et de découvrir dans la foulée le talent d’artistes rwandais dont Shanel Nirere, auteur, compositeur et interprète notamment de la bande originale de The mercy of the jungle, film dans lequel elle est également une brillante actrice.

Son collègue Mani Martin avait aussi fait le déplacement, même si il n’a pas chanté. Il a rencontré Alif Naaba avec lequel, ils ont échafaudé des plans. Vêtu d’une tunique bleue avec des motifs traditionnels rwandais et une canne assortie, le chanteur très remarqué lors de la soirée des célébrités avait été élu homme le plus élégant de la soirée organisée par l’hôtel de ville de Ouagadougou.

Au dernier jour

Le palais des sports de Ouagadougou surchauffé par une musique assourdissante a donné le ton, ce samedi après midi, de l’ambiance qui règnerait jusqu’en fin de soirée. Les artistes musiciens, les danseurs et danseuses rivalisaient d’ingéniosité dans une salle à l’acoustique qui, hélas, était loin d’être la bonne pour un show musical. Les prestations d’Alif Naaba ou encore de Massamba Icyogere en ont fait les frais !

La veille, les chefs d’Etats du Mali et du Rwanda avaient fait le déplacement pour honorer de leur présence ce cinquantenaire. A 17 heures précises, aux cotés de leur homologue Burkinabè, ils font leur entrée, très applaudis par un public bien en forme et qui brandit les drapeaux des trois pays. La présence de l’ancien président Ghanéen Jerry Rawlings n’est pas passée inaperçu.

Dans une mise ne scène où se relaient écrans géants et ambiance réelle dans la salle, l’arrivée du trophée Etalon d’Or de Yennenga, transporté par un cortège de chevaux montés par de jeunes filles était captivant. Ces mêmes demoiselles avaient escorté, lors de la soirée des célébrités, Sidiki Bacaba et Isaac de Bankole lors d’une entrée scénarisée et fort remarquée.

Le gagnant est…

Après quatre heures de spectacle et de remise de trophées aux participants qui se sont le plus distingués, comme dans tous les concours, la question du gagnant 2019 était dans tous les esprits. Les productions cinématographiques étaient de belle facture et aucune ne pouvait ni s’autoproclamer, ni s’auto disqualifier. Aucun pronostic.

Les personnalités politiques et culturelles venues de plusieurs pays africains, d’ambassades ou d’organisations internationales ont remis tour à tour les trophées à des gagnants pas toujours ‘‘préparés’’ a être reconnus et récompensés, malgré l’ardent désir de l’être. Doux paradoxe.

Puis, dans une annonce solennelle, le Yennenga d’or revient au film The mercy of the jungle que remettent au réalisateur Joël Karekezi, les Présidents Kabore et Kagame. Très heureux mais toujours dans une retenue qui est son véritable trait de caractère, le Rwandais entrait dans la légende. C’est dans une ambiance de fête que la délégation des Mille collines a mis un point final à ce séjour mémorable au pays des hommes intègres.

Photos: RTB, African women in cinema, Le faso.

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8 Comments

  • Très bien Arnaud

  • A travers cet article,on peut revivre le FESPACO 2019. Bien rédigé dans son ensemble.J’ai personnellement été sur le terrain. Cet article n’est donc d’aucune manièree une fiction. Félicitations

    • Bonjour Abdelaziz,
      Bienvenue dans l’équipe impaktinfo.
      Heureux de vous compter parmi nous.

  • Ce que j’aime dans cet article, c’est qu’il est perspicace. Je l’ai lu deux fois.

  • Article très intérresant à lire .

    • Bonjour Christian,
      Merci à vous de prendre le temps d’apprécier.
      Restez avec nous sur http://www.impaktinfo.com

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