La marche de Patrick Koala et Yelba Services

Patrick Koala, figure emblématique des couloirs de l’aéroport de la capitale Burkinabè, le géant costumé en bleu marine avance sûr de lui, l’allure fière. Le teint foncé avec ces marques sur la pommette gauche, caractéristique de son ethnie, Patrick Koala, 39 ans, le 7 avril prochain est une présence rassurante. Il est chargé d’accueil, d’assistance et de sécurité à l’Aéroport de Ouagadougou. ‘‘(…) votre passeport, c’est moi, monsieur. Ne vous inquiétez pas, je m’en charge’’, dit-il à un voyageur fraichement débarqué et dont le document est retenu par les services de Police.

Fils du planteur de café Lambert Kaola et d’une mère au foyer, Germaine Guissou, il nait en 1980 au centre ouest du Burkina Faso, à l’hôpital urbain de Koudougou, la troisième ville du pays. Il arrive au milieu d’une famille de quatre frères et sœurs devenus pour la plupart des enseignants. Pour aller à l’école, il marche quatre kilomètres. Il prend vite goût à l’effort physique. Les compétitions inter-secteurs de football où il excelle font du jeune Patrick un génie en herbe. Vite, il gagne la deuxième division et ensuite, la première où il obtient une licence. 

Il hérite de ses parents la foi chrétienne et avec sa jeune épouse, Maria Vasquez à laquelle il est marié depuis 2012, ils font un pèlerinage en Terre Sainte. ‘‘ Cette expérience a renforcé ma foi. J’espère la transmettre à mon tour à notre petit Manuel Wendkuni. Il a quatre ans ’’. Avant même de lancer notre entretien, Patrick Koala avait commencé à se livrer. L’homme qui marche tout le temps m’a entrainé dans sa course et avançant, nous avons continué à discuter. Simplement mais de questions sérieuses, à l’image de notre interlocuteur.

Impaktinfo : Patrick, vous avez un métier aussi bien mental que physique, il vous coûte     beaucoup d’énergie et je vous vois tellement dédié à votre tâche, en collaboration avec la Police. J’imagine que seule la passion peut justifier autant de don de soi.

Patrick Koala : Permettez-moi de vous dire la bienvenue au Burkina Faso. Je vous souhaite le séjour le plus agréable et ferai de mon mieux pour. Je travaille dans un esprit entrepreneurial. Après avoir suivi une formation de base militaire, une autre formation administrative policière, et plus de dix ans de service aéroportuaire, j’ai estimé opportun de me lancer. C’est ainsi que j’ai créé Yelba Services mon entreprise.

Impaktinfo : Se lancer dans l’entreprenariat avant quarante ans, c’est être vraiment sûr de soi…

Patrick Koala : Il faut oser. J’ai toujours dit que tout ce qui est dans l’imagination de l’homme est réalisable par lui. Quand on décide de prendre son destin en mains, qu’on a la conviction qui va avec, on peut y aller.

Impaktinfo : La création d’une entreprise de sécurité nécessite des fonds conséquents. Etes-vous au moins rentré dans vos frais, si les bénéfices ne sont pas encore au rendez-vous ?

Patrick Koala : L’entreprise est embryonnaire pour le moment. J’en suis à planifier et à mettre les moyens en place pour la stabiliser et la développer. Je n’en attends pas encore de retombées financières. Ma vision n’est pas dans la satisfaction personnelle, mais dans l’utilité d’une telle structure pour la génération montante qui devra faire face encore plus que nous aujourd’hui, à l’épineuse question de la sécurité. Nous sommes un pays qui évolue dans une sous-région très sensible à cette question.

Impaktinfo : Sécuriser est un défi mondial aujourd’hui dans les pays qui en ont les outils. Qu’en est-il d’un pays peu nanti, aussi exposé, ciblé et qui a déjà connu les attaques de triste mémoire ?

Patrick Koala : La question de la sécurité des personnes, des biens et des lieux est très actuelle dans le monde entier, comme vous le dites. Même dans les pays soit disant les plus tranquilles, les gens ne sont plus à l’abri de surprise. Au Burkina Faso, nous avons autant besoin de matériel que de formation aussi bien de base qu’actualisée en fonction des menaces du moment. Il y a du pain sur la planche. C’est le moins que l’on puisse dire. Pour Yelba Services, je reviens d’une formation en Israël. Ce n’est pas assez pour le pays, mais nous faisons comme nous pouvons à l’échelle de notre entreprise.

Impaktinfo : Vous êtes un homme pressé et sollicité à tous instants à l’aéroport, dans les trajets qui conduisent vers les hôtels et même dans les bâtiments de ces derniers. Ce qui est surprenant, c’est votre tenue qui se veut très correcte, la quasi constance de votre humeur qui parait si maitrisée, malgré les exigences multiples  et la cadence du rythme de travail que vous tenez tout de même comme un diplomate.

Patrick Koala : Oh ! Vous savez, la diplomatie, on l’a dans le sang, quand on a reçu l’éducation de parents et d’une famille équilibrés. Ils m’ont appris que tout travail devait être bien fait.  C’est aussi une base essentielle aux formations dont j’ai bénéficié.

Impaktinfo : Vous rencontrez tout de même des défis. Lesquels sont-ils spécifiquement ?

Patrick Koala : C’est vrai. Le trafic d’influence en fait partie. On nous pose souvent la question : ‘‘Sais-tu qui je suis ? ’’. Nous rencontrons plusieurs types de caractères. Et parfois, des injures fusent. Nous sommes formés pour ne pas céder à la pression. C’est à nous de mener l’interaction sur un terrain de respect mutuel et de service rendu dans les meilleures conditions pour une satisfaction optimale.

Impaktinfo : J’ai du mal à croire que vous ayez une maitrise parfaite tout le temps. Vous seriez un robot…

Patrick Koala : Je vous rassure, nous ne sommes que des humains mais nous avons pour mission dans une société d’accueil, d’assistance et de sécurité d’avoir la maitrise nécessaire exigée. Nous sommes donc rompus à l’exercice de la maitrise de soi et donc en fin de compte, celle de notre interlocuteur quel que soit son caractère, jusqu’à ce qu’il se rende compte que nous atteignons ensemble le résultat escompté. Il n’est pas rare qu’il nous revienne en présentant des excuses.

Impaktinfo : Qu’en est-il de votre propre caractère ?

Patrick Koala : Je suis patient et tolérant. Quand on arrive à l’être, toutes les inconvenances glissent comme de l’eau de roche, et on avance.

Impaktinfo : N’y a t-il donc pas un trait de caractère auquel vous êtes intolérant ?

Patrick Koala : Le mensonge. Il m’est plus difficile de l’accepter. La plupart du temps, les difficultés surviennent après le service rendu. Au moment du régler la facture, le client commence à créer des raisons pour ne pas s’acquitter du paiement.

Impaktinfo : En termes de logistique et de ressources humaines, des facilités, des difficultés ?

Patrick Koala : Des difficultés en raison de la jeunesse de l’entreprise qui a grand besoin d’être soutenue en termes de ressources humaines, certes et en termes de moyens financiers aussi. Permettez-moi de lancer ici un appel à tout esprit d’initiative et de bonne volonté pour soutenir notre activité. Avec votre permission, je fais part ici des contacts de l’entreprise et des miens personnels, en priant les personnes ou organisations intéressées par Yelba Services, et par l’esprit qui nous anime, de nous approcher et de faire un bout de chemin avec nous.

Impaktinfo : Existes-t-il ici, au Burkina Faso, d’autres structures qui offre  ce type de service ?

Patrick Koala : Pas tant que cela, de manière légale, donc agrée par l’Etat. Il en existe très peu en bonne et due forme. Un peu plus de manière informelle. Sans être déclaré et donc sans récépissé.

Impaktinfo : Dans le service aéroportuaire, vous êtres donc très peu nombreux ?

Patrick Koala : Trois, quatre environ.

Impaktinfo : La nature de votre travail est telle qu’il vous absorbe et vous accapare au détriment de votre famille. Comment vos proches le vivent-ils ?

Patrick Koala : Les miens savent que j’ai créé une entreprise, ils en connaissent la nature et m’encouragent. Le sacrifice est un ingrédient essentiel à la réussite. Je marche droit, sûr de moi, je souris et je sais que je donne l’impression que tout va bien, même si c’est loin d’être le cas. Mon esprit reste focalisé sur ma mission et je dois avoir des résultats.

Impaktinfo : Le sport y est sans doute pour beaucoup dans cet état d’esprit.

Patrick Koala : C’est vrai. Je suis un ancien footballeur et je continue la pratique régulière de sport. J’envisage de mettre en place une salle de sport pour promouvoir la pratique de l’exercice physique. Particulièrement pour les gens de peu qui aimeraient s’offrir les services d’une bonne salle de sport et qui n’en ont pas la possibilité. Le sport est un gage de santé.        Je n’ai pas encore les moyens financiers requis, mais je cogite beaucoup dans ce sens.

Impaktinfo : Au pays des hommes intègres, vous sentez vous personnellement ‘‘homme intègre’’ ?

Patrick Koala : Ce n’est pas à moi de le dire. Vous en jugerez par vous-même, à la fin de cette interview.

Propos recueillis par Arnaud Nkusi

 

Pour contacter Patrick Koala                                                         Pour soutenir Yelba Services

 koala.Patrick@gmail.com                                                             A/C: BICIA-B 0906405082300135 Burkina Faso

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