Signé Tyron Gakuba

Tous en sueur dans cette salle de gym et de musculation, en plein après-midi, nous avons des comptes à rendre à notre corps et à notre esprit. Les efforts des uns motivent ceux des autres en un clin d’oeil et sans se parler, la recettte fonctionne sur fond de Rap et de musiques urbaines. Le coach le plus jeune de Kigali, Tyron Gakuba, vêtu de noir, en polo et en culotte, son chrono en mains, entraine une jeune sportive. Je les observe et suis en admiration devant tant de volonté de gagner un esprit sain(t) dans un corps sain. Jeunes et sportifs, c’est non seulement bon, c’est aussi beau!

Trempé de la tête aux pieds, je pédale ce vélo depuis trois quarts d’heures et il m’en reste un quart. Que c’est dur! Je regarde autour de moi et j’observe le dépassement de soi sur chaque personne en présence. De quoi m’aider à aller jusqu’au bout de mon objectif du jour. Calmement, le coach et son élève passent d’un exercise à un autre. Je trouve ce si jeune coach trop sérieux et réservé. Métodique et méticuleux. Qui est-ce? D’où lui vient tant d’assurance et de calme? Á la fin de ma séance, j’irai en savoir un peu plus. Eh bien, pas tout de suite. Ils sont partis avant moi.

Trente six heures plus tard, les revoilà! Cette fois sera la bonne. Nos séances respectives se terminent quasi dans le même temp et je propose une rencontre avec le jeune monsieur distant et à l’air désinvolte. Très vite, rendez-vous au Tea House, avec le meilleur des services. Il est à l’heure. Étonnant! Poli mais réservé, ses yeux parlent plus que sa bouche. Il me dit qu’il est de ceux qui ne crachent pas sur la période dite du “Covid-19 ‘‘ où pour ne pas sombrer dans la psychose et la morosité ambiante des confinements successifs et plus ou moins longs, sa maman lui propose d’entrainer ses petits cousins. Aussitôt dit, aussitôt fait. Tout part donc de là.

Tyron  aime le sport au point de vouloir en faire un métier. Le business lui fait des clins d’oeil qui lui mettent la puce à l’oreille. Le jeune coach n’est pas bavard, pourtant il prend plaisir à me raconter son histoire. Il s’exprime particulièrement bien en kinyarwanda et en français. Tout autant qu’en anglais.  Je la joue ‘‘cool ‘‘, dans l’espoir qu’il s’ouvre progressivement. Vite fait, bien fait. Alors, … on la fait cette interview? Apparement, … oui!

Impakt Info : Bonjour Tyron. On ne se connait pas, mais votre histoire m’intéresse.

Tyron:  Merci de vous intéresser à moi. Tout part de cette période de pandémie, à la fin  des confinements. Maman, sortie avec une de ses cousines, lui propose d’envoyer ses fils de 12 et 14 ans, à la maison pour que je les initie au sport. Ils seront mes tous premiers clients. Au bout de deux mois, fin de l’aventure. Toute leur famille s’envole pour le Caire. Je sais déjà que j’en ferai mon métier. Merci Maman! ( il sourit). Il est aussi question que je continue mes études en Finances, malgré mon goût grandissant de l’initiation au sport pour le public que je veux le plus large possible. Diplomé de mes études secondaires, je pars pour Chypre. Études de finances obligent. Mais ça ne m‘intéresse pas plus que cela. Je me vois coach sportif et fais des recherches sur le métier en autodidacte. Je ne reste à Famagusta qu’une petite année, avant de revenir à Kigali pour y continuer mes études en business mais cette fois, en qualité de coach en sport. Je veux concilier études et métier. Mais la clientèle met du temps à venir.

Impakt Info : Malgré les réseaux sociaux ?

Tyron : Non, parce- qu’aussitôt que je fais mes ‘’post’’, le changement est quasi immédiat. Les propositions arrivent. Pas aussi vite, ni aussi nombreux que je voudrais, mais il y a un peu plus qu’un frémissement.

Impakt Info : Dites donc : vous avez du vocabulaire !

Tyron : (Il sourit).Á la maison, en plus du kinyarwanda, nous parlons français. Très souvent.

Impakt Info : Une annonce et deux semaines plus tard, deux premiers clients. Deux adolescents ont mordus à l’ameçon.

Tyron : Exactement. Nous sommes en juillet 2022. Les vacances d’été s’y prêtent bien jusqu’à la rentrée des classes en septembre. Je ne peux pas vous expliquer mon bonheur de voir le changement sous mes yeux! ( sourire.) C’est rare de voir une jeune personne, accepter de prendre son temps et aller faire travailler son corps et son esprit. C’est encore plus jouissif de voir sa morphologie changer à vue d’oeil et son état d’esprit, plus engagé, plus volontaire, chaque jour.

Impakt Info : C’est loin d’être évident et surtout en ces temps de désir de confort à tout prix !

Tyron:  C’est une question de discipline. Ne pas céder à la sédentarité. Elle tue aujourd’hui, autant si pas plus que le tabac.

Impakt Info : Le docteur Kremlin Wickramasinghe, chef par intérim du Bureau européen de l’OMS pour la prévention et la maîtrise des maladies non transmissibles explique que la pratique régulière de l’activité physique est l’une des choses les plus importantes que l’on peut faire pour vivre en bonne santé. Non seulement elle réduit de manière significative le risque de nombreuses maladies non transmissibles, mais elle améliore également la santé mentale et accroît le bien-être, d’après lui.

Tyron:  Il a tout à fait raison. Merci pour cette affirmation que je vais poster sur mes réseaux. Je veux informer et motiver toute personne de tout âge à ce propos.

Impakt Info : Comment vous y prenez-vous pour convaincre l’indécis ou le paresseux ?

Tyron: Je lui donne une session gratuite et simple. Á la fin, nous prenons un temps de discussion sur l’importance du sport pour sa santé. Les clients diiffèrent. Il y en a qui n’ont pas d’objectif précis. Avec ce type de clients, nous essayons d’abord plusieurs exercises pour commencer par une remise en forme douce et si c’est concluant, nous travaillons ensemble sur une durée plus soutenue. Et généralement, la prise de conscience incite à la pratique, même si peu tiennent sur le long terme. Ils sont rares!

Impakt Info : Qu’y a-t-il de difficile ? Pourquoi cela est-il si prenant ?

Tyron: Alors, la plupart du temps, les gens viennent et veulent des résultats visibles le plus vite possible. Or, il faut s’armer de patience. C’est là que la plupart renoncent, faute de caractère. Il en faut du caractère pour persévérer et cela vaut dans tous les domaines de la vie. Le résulat instantané est peut-être ailleurs, mais bien loin du sport. Il y a la véritable question de l’ignorance de tous les bénéfices qu’apporte le sport surtout pour la jeunesse de 14 à 25 ans, d’après ce que j’ai pu observer. Plus on grandit, plus on se rend compte de l’importance de se bouger et de travailler son corps. Il n’y a plus que le corps qu’on travaille mais toute sa personne. Et cela se découvre en travaillant. Les discours ne sont pas très indiqués. C’est la pratique régulière qui donne des résultats.

Impakt Info : Par quoi commencer ?

Tyron: Par se discipliner. Une personne qui est disciplinée au point d’avoir des habitudes régulières en matière de sport est déjà une personne avec un plus. Cette personne se fait respecter grâce à son autodiscipline. Elle force l’admiration. La pratique régulière joue fortement sur la psyché et donc sur le caractère et la vison de la vie de l’individu.

Impakt Info : Il vous faut donc une approche pédagogique pour les mener un à un à changer de mode de vie.

Tyron: Je réalise que je dois tenter d’autres techniques de communication. C’est de là que me viennent des idées pour fidéliser les rares clients que j‘entraine. Je leur promet une semaine de séance gratuite quitte à payer de ma poche ces séances dans la salle d’entrainement qui nous reçoit, mes clients et moi-même. Pendant ce temps, je lis beaucoup pour savoir comment gérer mon business, tout en recherchant une clientèle à fidéliser.

Impakt Info :  Vous allez  jusqu’à proposer vos services à domicile.

Tyron: Oui, je ne recule devant rien (il sourit).

Impakt Info : D’où vous vient cette passion ?

Tyron: J’ai toujours aimé le sport. Le football, le basket-ball, le tennis. J’ai touché à plusieurs disciplines en compétition.  D’autre part, je ne me suis jamais vu travailler dans un domaine qui ne m’intéresse pas. Pour donner le meilleur de moi-même, je ne me vois faire que ce que j’aime et il n’y a que pour le sport que je veux travailler. Le fait d’avoir la capacité de changer la vie d’une personne en bien, me passionne. Rien ne me réjouis plus (il sourit).

Impakt Info : Je vous sens plus détendu.

Tyron: ( Sourire) C’est grâce à vous. Vous êtes un vrai professionnel.

Impakt Info : Je vous remercie.

                       Et vos parents dans tout ça… Ils vous suivent sans broncher ?

Tyron: (Sourire). Ma mère et mon père sont des gens avec lesquels je dialogue beaucoup. Leurs conseils comptent et seront toujours précieux pour moi. Mais à la fin, c’est moi qui décide de mes choix.

Impakt Info :  Á  vingt et un an, on est majeur, c’est vrai.              

Tyron:  Par exemple sur la question de mon travail, ils craignaient que cela me fasse abandonner les études. Je sais que j‘ai besoin de faire des études, c’est pourquoi j’ai un cursus en entreprenariat avec le but d’apprendre le plus possible à gérer mon business d’une part et de l’autre à acquérir des connaissances en coaching personnel. Je viens d‘avoir un certificat en coaching personnel de UDEMY ( University Academy Online Learning and Teaching Plateform. ndlr ).  La prochaine étape est une formation en nutrition.  

Impakt Info :  Dites-moi: Est-ce que le sport est un art, d’après vous?

Tyron: Oui, je le crois. Il y a mille et une façons de l’appréhender: en collectif,en individuel, on peut sculpter son corps pour être plus endurant, plus fort, mieux musclé, plus agile et finalement de plus en plus puissant. Les différentes facettes avec toutes les disciplines connues ou non encore découvertes selon les régions du monde, les cultures, les us et coutumes en font de mon point de vue un art.

Impakt Info : Quelle place donnez-vous à votre vie sentimentale ?

Tyron: Je suis focus sur mon business. J’ai conscience que l’amour ne prévient pas (sourire).    S’il frappe à ma porte, ce sera à condition que mon travail passe avant. Je ne suis pas très interressé pour le moment.

Impakt Info : Vous parlez avec une telle assurance! N’est-ce pas trop sérieux pour un jeune homme de votre âge ?

Tyron: Parfois, on me dit que je que je suis un rêveur qui vise trop haut pour son âge. J’aime ça! (sourire). Il n’y a rien qui me booste autant. Ce type de commentaires me rend fier de moi et je me dis que je vais finir par atteindre mes objectifs.

Impakt Info : Eh bien ! Quels sont donc vos objectifs ?

Tyron: Á court terme, je dois gagner au moins un million de francs (rwandais) mensuellement. Á moyen terme, je dois me faire rejoindre par deux coachs pour une clientèle grandissante et à long terme, une salle de sport en mon nom.

Impakt Info : Rien que cela ! Qui vous suit dans votre rêve ?

Tyron: Des potes.

Impakt Info : Sont-ils prêts à vous soutenir financièrement ?

Tyron: Oui, mais je ne crois pas au don. Je crois au prêt, donc remboursable.

Impakt Info : Vous ne croyez pas au don ?

Tyron: Non. Il n’y a rien pour rien dans la vie. Il faut beaucoup transpirer pour gagner sa vie et prospérer. Il faut d’abord compter sur soi et ensuite sur de potentielles aides.

Impakt Info : Savez-vous que vous êtes lu en ce moment et qu’une personne ou une entreprise pour vous encourager pourrait vous offrir un don pour votre future salle de sport ? Si quelqu’un se présente, vous refusez ?

Tyron: (Il sourit). Non, bien sûr. Mais je dois avoir un plan bien élaboré pour que cet argent serve vraiment. Une personne m’a déjà offert un prêt. Je sais qu’elle va me dire de le garder mais je dois rembourser. Je m’auto-éduque à la gestion de mes finances. Si je m’habitue aux dons, je ne serai pas prêt, le moment venu de rembourser un prêt bancaire, par exemple. C’est dans l’effort qu’on apprend. Pas dans la facilité.

Propos recueillis par Arnaud Nkusi