OIF: Mieux être ensemble

‘‘Par hasard’’ n’est pas un concept concevable dans l’esprit du pays des Mille Collines. Rien n’y est mis sur le compte du hasard. Il n’y a que des rendez-vous. Réfléchis, discutés, tournés et retournés dans tous les sens, en pesant et en repesant les ‘‘pour’’ et les ‘‘contre’’, jusqu’à maturation, puis validation et enfin, exécution de projet.

Le résultat est bien souvent une conséquence évidente de cette méticulosité. C’est la formule consacrée qui fait du Rwanda ce qu’il est aujourd’hui. Ce sera sans doute, l’atout majeur du nouveau Secrétariat Général qui sera, nous le verrons assez vite, productif et donc évolutif. Là encore, la formule des Mille Collines fera son effet et les résultats donneront raison à celles et ceux qui ont soutenu la candidature de la Secrétaire Générale nouvellement élue.

Entre quatre avions

Les hommes et les femmes fort occupés et qui se déplacent très souvent font dire d’eux qu’ils sont entre deux avions. Louise Mushikiwabo a été entre quatre avions ! Au point de susciter une interrogation généralisée sur sa vie de couple et sa vie personnelle tout court. Dort-elle seulement ? Dans son pays, un adage dit que qui veut une vache se couche comme une vache. Après quoi donc courait-elle ? Sans doute pas une reconnaissance personnelle, cela se serait su et aurait fait jaser. Beaucoup jaser.

Elle n’était que l’émissaire d’un chef d’Etat très exigeant. Demandeur de résultats, il l’a sans doute poussée encore et encore pour faire ressortir toutes ses capacités en les mettant au service non seulement d’un pays en pleine résurrection, mais plus encore d’un continent qui s’est juré de tenter le tout pour le tout pour redorer un blason plus que terni. Elle a fait au mieux, au point de susciter de la part de l’Union Africaine une confiance et une unanimité du continent sur sa personne en tant que candidate à la tête de l’OIF.

 

D’une même voix

C’est ainsi qu’il faut comprendre la proposition, l’étude, la validation, la campagne et l’élection de la nouvelle Secrétaire Générale de l’Organisation Internationale de la Francophonie, Louise Mushikiwabo. Celle qui était rendue, au-delà de Ministre des Affaires Etrangères du Rwanda, à la tête des Ministres des Affaires étrangères de toute l’Afrique avait acquis de l’expérience.

Le président de la commission de l’Union Africaine, Moussa Faki Mahamat est de ceux qui ont le plus cru en elle, au fil des jours, dans l’engagement vécu au quotidien pour de réelles avancées des projets de l’Union. Si un président en exercice voulait et amorçait des changements profonds, il fallait une équipe de choc à cette fin. Cette équipe avait pour piliers, en plus des Ministres africains des Affaires Etrangères, le duo Mahamat-Mushikiwabo.

Ses pairs africains ont vite dépassé le machisme mondial ambiant depuis la nuit des temps et les dissonances de Dakar en 2014 pour reconnaitre en Louise Mushikiwabo, une compétence indéniable, voire un panafricanisme qui ne demandait qu’à s’exprimer et à éclore bien plus loin que la terre mère du berceau de l’humanité.

 

De l’humanité

De l’humanité ! Voilà l’atout majeur de la nouvelle Secrétaire Générale de l’OIF, Louise Mushikiwabo.    Si c’est une caractéristique de sa personnalité, elle l’a bien éprouvé dans les durs moments de sa jeune carrière politique. Garder le sourire en presque toutes circonstances n’est guère synonyme de naviguer dans des eaux tranquilles. Ce serait peut-être même en eaux troubles qu’elle arbore le plus beau de ses sourires, véritable arme de construction massive.

2018 a été pour elle, l’année d’un véritable marathon à la diplomatie africaine et rwandaise. Elle a  sillonné la planète d’abord aux cotés du Président Rwandais, Président de l’Union Africaine puis, en période de campagne pour le secrétariat général de l’OIF, seule. Face à son destin. Celui d’une femme d’Etat confirmée qui va non pas à la conquête et encore moins à l’assaut, mais à la rencontre de la grande famille des pays qui ont en partage la langue française.

Alors, l’intrépide Ministre Rwandaise des Affaires Etrangères, présentée comme ‘‘proche du Président Kagame’’ qui savait que le monde ne comprendrait pas aisément ce tournant tout à fait inattendu a ‘‘tenu bon’’. Interrogée de toutes parts sur ce choix soudain, elle a expliqué et réexpliqué ce qui malgré tout restait ‘‘curieux’’ pour l’opinion publique.

En campagne, elle a couru la planète se voulant forte et convaincante devant les chefs d’Etat et de Gouvernements qui l’ont reçu avec enthousiasme. Polie, courtoise, éreintée mais souriante  pour ne pas laisser libre cours à ses émotions longtemps contrôlées, elle a marché droit devant elle, affirmant la malice dans l’œil : ‘‘ Je vais à Erevan avec le sourire ’’ lors de l’interview accordée à Patrick Simonin sur TV5.

Elue par concensus, sollicitée par les médias, la femme en elle s’est révélée. La voix pleine de reconnaissance pour la confiance qui lui était témoignée a souvent vacillé, ses yeux  embués de larmes contenues ont trahi son émotion et le soulagement de tant d’années de lutte à divers échelons.

La patience paie

Retour à kigali, cérémonie de remise et reprise avec son successeur au Ministère des Affaires Etrangères, quelques jours de ‘‘répit’’ sans véritable  repos, et le soir de la fête, le 4 novembre pour dire ‘‘merci’’. Merci à l’Afrique, merci à ses pairs, merci à son frère de sang ‘‘même père, même mère’’ Moussa M. Faki, son ‘‘compagnon de lutte’’.

Sa reconnaissance a semblé quasi inexprimable pour le Président Paul Kagame : ‘‘(…) en réalité, je ne suis pas la personne que j’étais il y a dix ans sur le plan professionnel, sur d’autres plans aussi et je le dois surtout au Président de la République que je remercie infiniment.  (…) la chance et les opportunités que j’ai eu en ces onze dernières années, particulièrement les neuf passées aux Affaires Etrangères aux cotés du Président ont fortement rehaussé mon niveau. Cela, je ne l’oublie pas. (…) et dans mes nouvelles fonctions, je tiendrai compte de ces acquis qui me donneront force, énergie et me mettront les garde fous nécessaires. Je vais tout faire pour que vous soyez fiers de moi.’’

Pour avoir travaillé occasionnellement avec Madame Mushikiwabo, j’ai observé d’elle une patience en action, qui prenait racine dans une humilité et une simplicité déconcertantes assaisonnées d’un sourire contagieux qui détend une atmosphère qui ne pourrait prétendre autant en d’autres circonstances. Je l’ai sentie certes déterminée mais patiente et semblant assurée que quel que soit le temps et l’énergie que certaines situations exigent, la victoire est au bout de la patience.

Mieux vivre ensemble

Voilà ce qui semble être le crédo d’une femme qui s’est battu bec et ongles pour que la France reconnaisse son rôle dans la tragédie du Génocide perpétré contre les Tutsis en 1994. Non, à ce jour, l’Hexagone n’a pas eu le courage de reconnaitre son implication malgré maintes et maintes occasions tout le long des vingt cinq dernières années. Qui sait si le 7 avril 2019, l’occasion ne sera pas saisie…

Son expérience de cheffe de la diplomatie rwandaise et africaine l’a grandie. La nouvelle Secrétaire Générale compte sur cet acquis et sur ce mariage au départ ‘‘improbable’’ entre le Rwanda et la francophonie pour prouver que certains ‘‘ménages intelligents’’ peuvent tenir et regarder dans la même direction malgré des dissensions profondes. ‘‘Rien n’est insurmontable’’ pour un peuple qui a connu l’innommable : un génocide.

Les quatre prochaines années seront pour Louise Mushikiwabo, l’opportunité de montrer au monde, que le Rwanda qui a survécu au Génocide grâce à l’intelligence d’une cohabitation miraculeuse entre victimes et bourreaux peut offrir son expérience à la communauté francophone. Je suis convaincu qu’à travers son mandat, elle fera vivre aux francophones l’expérience d’un mieux vivre ensemble.

Arnaud Nkusi

Photos: Flickr

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