Johnny Clegg : Quand la musique défie la politique

La musique dans la peau, comme diraient Obidol, Fostin et Zorobabel, les Zouk Machine. Jonathan Clegg l’avait assurément bien au-delà de la peau. Dans l’âme. Quand elle est si profondément ancrée, la musique est une puissance qui (peut défier) la politique, selon Nelson Mandela. Le Zoulou d’entre les Zoulous l’a magistralement démontré dès les prémisses de sa carrière en musique.
La ségrégation raciale institutionnalisée dans son pays, l’Afrique du Sud lui était insupportable et tout dans son expression artistique a été pression contre ce qu’il qualifiait de ‘‘problème pour l’humanité’’. Rejeté des siens, blancs et noirs, il en a puisé une énergie folle pour fédérer autour de lui, formant successivement les groupes Juluka, puis Savuka.
Ses titres ‘‘Asimbonanga’’ et ‘‘Scatterlings of Africa’’ ont beaucoup fait parler de l’artiste, de son groupe multiracial et de leur combat. Johnny Clegg a beaucoup dérangé les régimes d’apartheid. Il a dit au monde entier son indignation et a, avec son art, lutté aussi fort qu’il le pouvait, jusqu’au 11 février 1990, jour de libération du prisonnier le ‘‘plus vieux du monde’’ de l’époque ; Nelson Mandela.
Cyril Ramaphosa, l’actuel chef de l’Etat Sud africain, dans un communiqué dit : ‘‘Une voix bien-aimée, inspirante et héroïque s’est tue’’. Pule Mabe, le porte-parole du parti au pouvoir, le Congrès national africain lui reconnait d’avoir laissé une marque indélébile dans le pays. Il affirme : ‘‘Sa musique continuera à résonner à nos oreilles pendant de nombreuses années.’’
Les titres de ses albums: Universal Men, African Litany, Work For All, Stand Your Ground, Third World Child, Cruel Crazy Beautiful World, New World Survivor, One Life, Human et King of Time en disent long sur le contenu et renseignent sur l’état d’esprit et la philosophie humaniste de l’artiste, auteur, compositeur et interprète. Johnny Clegg est en plus de tout cela danseur.
A la rédaction du Daily Maverick , le quotidien sud-africain, Tony Jackman s’exprime en ces termes : ‘‘L’exemple de Johnny Clegg incite les Blancs d’Afrique du Sud à faire de même aujourd’hui, à encourager leurs enfants à se lier d’amitié avec cet enfant métis ou noir, à les inviter à la maison, à jouer au parc avec eux, à vouloir apprendre quelque chose de leur culture’’.
Pas étonnant donc que l’artiste ait été nommé, tour à tour Chevalier de l’ordre des Arts et des Lettres en 1991. En mai 2010, il est fait Citoyen d’honneur de la ville d’Équeurdreville-Hainneville et officier de l’ordre de l’Empire britannique en 2015. Rien que cela !
Le mal ancré dans la société sud africaine n’a pas pour autant été déraciné totalement. L’actualité en 2019 en dit long bien au-delà de l’Afrique du Sud, aux Etats-Unis et dans beaucoup d’autres pays où le populisme et les élans nationalistes disent combien ils n’ont pas dits leur dernier mot.
Le propre du combattant, c’est de ne rien lâcher surtout quand les progrès sont là mais que les racines du mal n’ont pas été arrachées jusqu’à la dernière. Le combat a donc continué pour Johnny Clegg et son groupe, malgré qu’il se savait malade depuis 2015. Il a même sorti son dernier disque King of time en 2017. Travailler, lutter, bousculer jusqu’au bout, tant qu’il lui reste une once de souffle.
La démarche artistique et politique de Johnny Clegg ont inspiré Philippe Conrath, l’auteur de Johnny Clegg, la passion zoulou, livre paru en 1988 aux Editions Seghers et postfacé par l’artiste français Renaud.
La célèbre Yvonne Chaka Chaka, lors d’un entretien sur eNCA confie : ‘‘C’était un patriote. Il parlait zoulou aussi bien que moi. Il aimait l’Afrique du Sud. C’était un homme formidable’’. De très nombreux messages sont venus du monde entier pour dire cette peine mêlée d’admiration et de profonde reconnaissance pour cette vie engagée.
Comme pour le rassurer dans son sommeil, la Fondation Nelson-Mandela tweete : »Nous continuerons à chanter Asimbonanga. Nous continuerons à travailler pour construire le pays de ses rêve ».

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