Signé Michel Odoul

25 ans. C’est l’âge qu’a aujourd’hui ce premier ouvrage Dis moi où tu as mal, je te dirai pourquoi, publié aux Editions Albin Michel en 1994 qui a fait connaitre l’auteur et sa pratique au monde entier. Il nous fait découvrir une médecine douce à l’écoute des signaux que nous envoie notre corps, une médecine qui est également un art de vivre. De la Chine à l’Australie, du  Vietnam aux Etats-Unis et dans toute l’Europe, quelque chose se passe dans le domaine des soins qui allient le corps et l’esprit.

Diplômé en Shiatsu et spécialiste des techniques énergétiques chinoises qu’il a étudiés depuis 1978, Michel Odoul se forme également pendant 7 années à la psychologie occidentale et aux techniques de relaxation. Praticien Professionnel en Shiatsu, Psycho-énergéticien et Consultant, Michel Odoul fonde l’Institut Français de Shiatsu et de Psychologie Corporelle Appliquée en 1996 afin de répondre à la demande croissante de formations qu’il reçoit.

Michel Odoul a développé des approches comme la « Psycho-énergétique », la Psychologie Corporelle Appliquée et la « Phyto-énergétique », spécificités uniques de l‘Institut Français de Shiatsu. Tout cela vient pourtant rebattre des cartes qui l’avaient orienté vers un cursus  commercial. Il est diplômé de l’Ecole Supérieure de Commerce et se dirige vers une carrière de cadre supérieur pendant plusieurs années. Mais en parallèle, il pratique et enseigne l’Aïkido pendant dix sept ans. Il se forme en même temps aux techniques énergétiques orientales pendant huit ans. 

25 ans, c’est aussi ces années qui ont passé après le Génocide perpétré contre les Tutsis au Rwanda. La résilience pour les peuples des Mille Collines, à l’instar de l’Aïkido pour Michel Odoul sont des ‘‘sports de combat’’ qui ont faits leurs preuves un quart de siècle plus tard. C’est pour mettre un point d’honneur sur les efforts de survie pour une vie pleine et assumée et non subie, que nous avons voulu inviter ici pour vous, cette personnalité d’un abord et d’une disponibilité rares. Son travail fait ses preuves, sa parole impacte. Exclusivité. 

 

Impakt Info : Michel, l’écriture de votre premier ouvrage est une conséquence, en 1994 de vos échanges avec plus de six mille consultations de personnes qui avaient besoin de vos soins. Depuis, il a été traduit dans une vingtaine de pays, vos consultations ont continué et votre exploration de notre monde et de ses habitants a aussi beaucoup évolué. Alors, dites-nous : lorsque vous regardez ce troisième millénaire, le vingt et unième siècle et cette nouvelle décennie 2020, quel diagnostic faites-vous de l’état de notre monde?

Michel Odoul: C’est une question difficile ma foi que vous me posez là ! Je crois que le constat que je peux faire de tout ce que j’ai pu voir, et ensuite de la manière avec laquelle j’observe le monde dans son quotidien que ce soit à travers les informations qui viennent du monde entier comme le quotidien proche dans le monde du travail et dans mon voisinage, et cætera , c’est que les êtres humains en fait ont perdu quelque chose d’essentiel et de fondamental qui s’appelle la confiance dans la vie. Et ils sont donc tous en pleine recherche de stratégies, de protection, de sauvegarde et de peur. Nous avons peur et nous sommes dans une conscience de précaution excessive. Vouloir tout mesurer, tout protéger, et notamment nous protéger de l’ ‘‘autre’’. L’être humain ne doit pas oublier qu’il est une parcelle du ‘‘vivant et de la vie, à laquelle il participe, à laquelle il appartient, et que les autres sont obligatoirement des éléments qui participent à ce même monde. J’ai à la fois parfois beaucoup de tristesse et de souffrance quand je vois les comportements des humains et en même temps beaucoup de confiance et d’espoir parce que je me rends compte que l’humanité a toujours rebondi. Ce qui est un petit peu difficile dans nos époques, c’est que les êtres humains ont des moyens tels qu’ils peuvent faire beaucoup de dégâts très vite et que donc il faudra un peu plus de temps pour rattraper cela. Mais il y a à chaque fois un rebond qui se fait. Il y a à chaque fois une conscience qui se réveille. Il y a à chaque fois une parcelle de vie qui réagit quelque part et qui fait que finalement l’humanité ressort toujours gagnante de ces combat qu’elle mène contre un adversaire ‘‘extrêmement trouble et difficile à gérer’’ qui est soi-même. 

Impakt Info : La question du ‘‘sens’’ est au cœur de votre travail. Il y a donc un sens à tout. Ce n’est d’après vous, pas que du hasard ou de la nécessité, comme certains de nos contemporains pourraient estimer le cours de nos vies. Vous nous orientez avec vous sur le lien étroit qu’il faut établir entre le corps et l’esprit. 

Michel Odoul: La question du sens est une question centrale et majeure. Notamment dans la thérapeutique et dans le soin. Un patient à qui on fait taire un symptôme est quelqu’un qui ne ressent plus ce que son corps était entrain de lui dire et il est parfois nécessaire de traiter un symptôme et de le soigner, parce-que celui-ci peut mettre en péril l’individu. Mais la personne qui ne soigne que le symptôme est une personne qui perd le potentiel majeur de comprendre ce qui lui arrive sur ce chemin de la vie que symbolise l’orient. Nous sommes fondamentalement des êtres qui ont besoin de comprendre ce qu’ils rencontrent comme obstacles ou comme épreuves par moment. Comprendre le sens de ce qui nous arrive, c’est faire que nous soyons capables de mettre en place ce qui convient pour que ça ne se reproduise plus ou c’est rectifier la direction dans laquelle nous sommes allés parce que nous comprenons que celle-ci n’est pas obligatoirement la meilleure pour nous. 

Impakt Info : Notre corps nous parle, parce-que le lien entre le corps et l’esprit est indéfectible…

Michel Odoul: Oui, effectivement notre corps nous parle, sans arrêt. A tout moment, nous sommes en lien avec lui et de la même manière que notre esprit commande notre corps, eh bien notre corps nous sert à exprimer ce qui est vécu et ressenti sur le fond. Nous le savons très bien, lorsque nous sommes fatigués, notre corps réagi moins bien, lorsque nous avons trop mangé nous réfléchissons moins bien et il y a à travers toutes ces petites symboliques et ces moments où nous ressentons ce corps, sans doute des interpellations pour nous. 

Impakt Info : Alors… si je vous entends bien, je pourrais résumer ce que vous nous dites par : ‘‘ Il n’y a pas de hasard, il n’y a que des rendez-vous heureux ou malheureux’’, mais en tous cas, cela ne vient pas du fait du hasard, il y a une cause. Comment donc faire seul au volant d’un véhicule, ou à la maison ou en marchant tout simplement, pour reconnaitre ce que notre esprit dit à notre corps par la manière dont ce dernier réagit ? Autrement dit : comment interpréter ce que notre corps nous dit pour comprendre ce que notre esprit a voulu exprimer ?

Michel Odoul: Les vecteurs et es outils de la compréhension de ce que notre esprit cherche à exprimer sont nombreux. Nous avons : nos ressentis physiques, nos rêves, nos pensées, tous les moments où un certain nombre de signaux se répètent dans notre vie et sont entrain de nous dire que si nos migraines persistent, c’est sans doute que nous nous prenons un peu la tête sur un certain nombre de sujets ou de questions. Que si nous trébuchons plusieurs fois de la même façon, que notre façon de marcher ou d’avancer sur ce chemin de la vie n’est sans doute pas la plus équilibrée ou celle qui convient. C’est une question d’écoute de soi, de vigilance. Pas obligatoirement de focal. Il ne faut pas être à l’attention et à l’attente de toutes les petites choses de rien qui peuvent arriver. C’est lorsque des signaux sont un petit peu plus prégnants, un petit peu plus répétitifs qu’ils commencent à devenir intéressants. Ce que nous croisons sur le chemin de notre vie, que ce soit à pieds, en voiture ou à la maison et cætera, ce sont toujours des moments où finalement, l’univers qui est quelque chose auquel nous participons, nous renvoie des images, voire des interpellations. Plus nous sommes à l’écoute de nous-mêmes, plus ces interpellations seront confortables. Moins nous sommes à l’écoute de nous-mêmes, plus il y a des chances que ces interpellations, quand elles seront majeures soient inconfortables. Malheureusement, nous sommes un petit peu comme des fétus de paille. Nous sommes ballottés par toutes les sollicitations du monde extérieur, dont nous avons du mal à nous défaire et à nous dépasser et c’est là où il y a peut-être quelque chose à faire. Etre capables de réinstaurer dans nos quotidiens des moments de calme et de silence dans lesquels quelque chose au plus profond de nous-mêmes va alors pouvoir s’exprimer.  

Impakt Info : Des médecins viennent se former chez vous et vous intervenez vous-même dans des contextes médicaux. C’est pour réconcilier les médecins du corps et ceux de l’esprit ? Vous servez de trait d’union entre ces deux types de soignants ? 

Michel Odoul: Effectivement, j’ai l’occasion de partager mon travail avec des médecins qui sont très nombreux à réfléchir sur cette relation du corps et de l’esprit. Et malheureusement, comme ils le disent toujours, ils ne sont pas formés à ce style d’approche et par conséquent, lorsqu’ils peuvent rencontrer quelqu’un qui leur apporte des clés ou des liens, ils sont ravis de pouvoir dialoguer et de pouvoir confronter cela avec les connaissances qui sont les leurs. Donc oui, je joue un petit peu ce rôle de lien entre les médecines traditionnelles et notamment la médecine orientale qui elle, a constitué ce lien entre corps et l’esprit la et les médecines occidentales. Le dialogue avec les hommes de terrains se passe toujours très bien. 

Impakt Info : Ce que vous dites est illustré assez sérieusement avec le cas de figure de l’organe cardiaque  à travers ce que l’on appelle ‘‘le syndrome du cœur brisé’’. Le cœur a des fibres musculaires qui se déchireraient, lors d’un choc affectif particulièrement important.  Vous êtes intervenu récemment dans le congrès des cardiologues d’Ile de France pour apporter un certain éclairage à cette réalité…

Michel Odoul: C’est vrai, il y a deux ans, j’ai été convié à participer au congrès des cardiologues d’Ile de France parce que c’est une vrai interpellation de la médecine classique occidentale, de constater qu’une blessure psychologique comme celle par exemple d’un choc affectif ou d’une séparation pouvait avoir des conséquences, puisqu’on voyait très précisément des fibres musculaire se déchirer. Le problème, c’est que malheureusement, notre système mécanique et les connaissances que nous avons de l’anatomie ne nous permettent pas de constituer ces liens et que nous avons besoin de transiter effectivement par une approche qui permette de le faire. Et c’est ce que la psycho-énergétique permet de faire comme je l’explique dans un de mes ouvrage qui s’appelle Dis moi où tu as mal, je te dirai pourquoi. Il ya tout un tas de liens et de clés qui peuvent être faits entre nos organes, les différentes parties de notre corps et notre psychisme et les différentes parties de notre psychisme. 

Impakt Info : A Strasbourg, vous travaillez sur la trilogie Médecine-Méditation-Science. Parlez-nous-en.

Michel Odoul: J’ai eu l’honneur et le plaisir d’intervenir dans un Diplôme Universitaire de médecine particulier qui a été développé par un médecin et scientifique qui s’appelle Jean Gérard Block et qui effectivement déployé à Strasbourg. C’est un diplôme universitaire dans lequel des médecins, des psychiatres, des médecins du monde hospitalier, viennent pour essayer de comprendre comment une meilleure appréhension, une meilleure connaissance des fonctionnements de l’esprit et du psychisme peuvent aider dans le soin, peuvent permettre de mieux accompagner, avec plus de finesse et d’intelligence les patients. Mais également, comment ils peuvent permettre aux médecins eux-mêmes de travailler sur eux-mêmes pour eux-mêmes. Parce que leurs quotidiens ne sont pas toujours obligatoirement confortables et faciles. Et à travers l’approche que propose le Mind fullness, à travers l’approche des liens corps-esprit que l’on m’a proposé de développer et de présenter à travers les concepts de la médecine traditionnelle chinoise, eh bien ces médecins s’approprient une dimension supplémentaire à leurs capacités de soins. C’est vraiment quelque chose qui est un moment d’échanges, de partages, de travail et de discussion intenses, très nourrissants et porteurs de beaucoup d’espoir bien sûr. 

Impakt Info : Michel, votre premier ouvrage a 25 ans et il y a 25 ans, le Rwanda vivait le génocide perpétré contre les Tutsis… Vous invitiez vos lecteurs tout le long à vous dire où ils avaient mal et leur promettiez que vous leur diriez à votre tour ‘‘pourquoi’’. Où donc a-t-on si mal pour en arriver à organiser et à perpétrer un génocide ? 

Michel Odoul: C’est une vaste question et une grave question que vous me posez là, parce que euh… comment pourrais-je prétendre à ma petite échelle être capable de répondre à cette question? Euh… Ce sont des moments terribles qui, à mon sens, si l’on veut se placer sur le niveau de réflexion que je propose dans mon ouvrage, nous parlent de notre humanité ou parfois plutôt de la disparition de notre caractère d’humanité. Nous sommes là dans des périodes et dans des phases où ce qui est malade, ce n’est pas le corps d’un individu, mais c’est le corps d’une société, c’est le corps d’une époque, c’est le corps d’un peuple qui peut être malade. Soit parce qu’il est blessé ou agressé, soit parce qu’il est dans une telle peur de la vie et du vivant qu’il croit se défendre en détruisant les autres. Nous sommes là en présence de situations et de moments qui sont des époques extrêmement violents et durs pour les peuples qui les vivent et qui font partie de ce qu’on appelle des ‘‘épreuves majeures’’. Et la seule question à laquelle on peut éventuellement proposer d’essayer d’aider à répondre, c’est ‘‘ …mais qu’est ce que nous allons pouvoir faire de tout ça ?’’. Nous avons un devoir de mémoire, nous avons un devoir d’analyse, nous avons un devoir de questionnement sur tout ce qu’il y a eu derrière cela. Parce-que  nous n’en sortirons pas indemnes si nous nous contentons de faire la politique de l’autruche et être dans le déni de ce qui a été, de ce qui s’est passé. Ces drames terribles qui parsèment l’histoire que ce soit de l’Afrique, de l’Europe, de l’Amérique, de l’Asie ou de l’Orient sont vraiment des moments où l’humanité trébuche. Ce qu’elle a vraiment comme épreuve, c’est de voir comment elle se redresse et comment elle parvient à se tenir droite. 

Impakt Info : Permettons-nous ensemble de rêver et de nous projeter dans un scénario où vous devenez Ministre de la Santé ou carrément directeur général de l’Organisation Mondiale de la santé. Que diriez-vous aux peuples du monde, pour qu’ils vivent mieux dans le monde d’aujourd’hui ? Prescription signée Michel Odoul.

Michel Odoul: Décidément, vous avez résolu de me poser des questions complexes et difficiles. (sourire). Imaginons. Posons l’hypothèse que je sois responsable de l’OMS. Je pense que j’aurai plusieurs propositions. La première d’entre elles serait de faire comprendre à tout le monde que la santé ce n’est pas l’absence de maladie, mais que c’est un potentiel de vie, un équilibre, une harmonie, une façon d’être que nous devons préserver et éviter de mettre en péril par nos comportements. La plupart des causes, des accidents et des déséquilibres qui nous arrivent viennent de nous-mêmes, même si nous nous cachons derrière des causes extérieures. J’inciterai donc les humains à essayer d’aller rechercher cet équilibre que les gens d’Okinawa pratiquent. C’est-à-dire, cet équilibre de soi vis-à-vis de soi et vis-à-vis des autres au quotidien qui est une des bases fondamentales de l’harmonie au quotidien. Ensuite, la deuxième des prescriptions si j’ose dire, que je ferai, c’est que pour chaque peuple, il est fondamental de revenir à ses tradi-médecines et de leur faire confiance. Chacune d’entre elles a su développer et déployer les moyens qui lui sont propres et qui répondent aux besoins des peuples qui sont dans les régions où elles se sont développées. C’est une racine essentielle pour tout ce qui est de l’hygiène du quotidien et ce qui est la pratique des soins de base. Enfin, je dirai très fondamentalement, que la guerre entre les médecines est quelque chose qui n’est pas bon et que les médecines occidentales, même si elles sont interventionnistes et parfois chimiques, elles ont aussi leur raison d’être parce que ce sont d’excellentes médecines de traitements des crises. Par conséquent, si nous voulons que la paix existe dans nos corps et  produise la santé, il faut que la paix habite nos esprits pour produire la santé psychique et qu’elle existe dans nos sociétés. Pour permettre à toutes les techniques et à tous les systèmes capables de répondre aux besoins des individus, et notamment celui de la santé, eh bien cette paix règne et produise le meilleur.

 Propos recueillis par Arnaud Nkusi

Crédits Images: Institut Français de Shiatsu, Michel Odoul

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3 Comments

  • Merci de nous avoir fait partagé cette entretien sur l’art de soigner corps et âme.
    J’aime beaucoup Shiatsu personnellement, j’aimerais que les Rwandais le découvre, ils ont subi tellement que le Shiatsu j’en suis sur leur fera conciliateur de leurs corps et vie intérieure.
    Rwandaise vivant sur Kigali je cherche une formation courte pour approfondir ma connaissance du Shiatsu ainsi je peux pratiquer en famille mais surtout faire le lien des professionnels ici et dans le monde….

    Merci beaucoup

    Chantal
    Auteur d’une jeunesse rwandaise, ed Karthala / Paris

    • Bonjour Esi Chantal Umuraza,
      C’est nous qui vous remercions pour vous être jointe à Impakt Info et d’avoir tenu à réagir après votre lecture.
      La rédaction vous invite à visiter davantage le site http://www.impaktinfo.com et les émissions en ligne sur la chaine You Tube Impakt Info.
      Vous pouvez aussi partager les liens des émissions et/ou articles qui vous intéressent.
      Merci de les inviter à réagir.

  • Waouhh! Arnaud, comment avez-vous pu avoir accès à Michel Odoul??!!! Vous êtes excellent. J’ai aimé vos questions philosophiques(complexes pour Michel)… quelqu’un avait dit que le monde souffre parce qu’il n y a plus de philosophes. Il voulait parler des penseurs. Autrement, qu’on ne les écoute plus…

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