Signé Hugues Fabrice Zango

Hugues Fabrice Zango vient d’entrer dans l’histoire. Il est à vingt six ans, l’actuel record africain et Burkinabè médaillé du triple saut aux championnats du monde d’Athlétisme à Doha 2019. Cela faisait deux années de performances fort remarquables. Pas étonnant donc qu’il soit juste derrière les Américains Christian Taylor en or avec 17.92 mètres et Will Claye en argent avec 17.74 mètres. L’Afrique et ses cinquante quatre pays ont été tenus en haleine derrière ce champion qui nous a donné envie d’y croire.

Le parcours de l’athlète est allé crescendo ces trois dernières années. En 2016, aux jeux de Durban, il avait porté son record à 16.81 mètres. Quelques mois plus tard, aux jeux de la Francophonie, il a repoussé ce record à 16.92 mètres. Un mois plus tard,il remporte la médaille d’argent à Taipei et là encore, il repousse son record de 5 centimètre à 16.97 mètres. 

Ce n’est pas fini ! En 2018, c’est le record de l’athlète Nigérian Ajayi Abgebaku qu’il bat après 36 ans de statu quo ! Et là, il a dépassé cette fois, les 17 mètres ! Cela ne lui a pas suffi, puisque le 4 août 2018, il est devenu champion d’Afrique du triple saut. Et le mois dernier à Doha, il a ramené sa première médaille au Burkina Faso, du Championnat mondial d’athlétisme. Humble, croyant qu’il tient toute cette ascension de Dieu, il dit à qui veut l’entendre : ‘‘Dieu au contrôle’’. 

Hugues a une belle âme et cette vaillance propres aux Burkinabè. Leurs jeunes gens ne ‘‘se la pètent’’ pas. On dirait des adultes matures et plein d’expériences de vie qui assagissent ‘‘ceux qui ont du vécu’’. Ils tiennent à leur intégrité et à cette façon d’être dans la dignité. Abord facile, d’une simplicité déconcertante, presqu’enfantine et d’une telle sincérité que toutes ces qualités devaient nous attirer au jeune Zango, tout juste médaillé pour vous le faire découvrir et le conduire ici et maintenant !

Impakt Info : Bonjour Hugues. J’ai regardé vos prestations à Doha, et j’avais hâte de vous féliciter ! Votre victoire est arrivée au moment où votre pays, le Burkina Faso est en proie à des attaques terroristes. Je l’ai perçue comme une lumière dans la grisaille… 

Hugues Fabrice Zango : Merci Arnaud, pour la reconnaissance. Effectivement, je viens de ramener une médaille des Championnats du monde de Doha et cette médaille est importante en ce sens que mon pays fait face à plusieurs défis. Actuellement, la question sécuritaire est omniprésente avec les attaques qui surgissent ci-et là dans le pays. Une médaille arrive et apporte un peu de joie, c’est un baume au cœur dans le quotidien des Burkinabè. C’est ma plus grande récompense, bien au-delà de la médaille et de tout ce qui s’en suit. C’est très important pour moi.

Impakt Info : Quelques jours plus tard, vous voilà à Ouagadougou, la ville où vous êtes né, où vous avez grandi et où vous reçoit le Président de la République. Vous lui apportez la toute première médaille olympique de l’histoire du pays. Racontez nous…

Hugues Fabrice Zango : Le Président de la République a tenu à me recevoir après cette première médaille mondiale pour le Burkina Faso. Ça m’a fait très plaisir parce-que le Président suivait quand même l’actualité sportive. Je recevais des tweets d’encouragement et des félicitations de la part de Son Excellence Monsieur Roch Marc Christian Kaboré. C’était un honneur et un plaisir d’être reçu par lui à la Présidence du Faso pour lui présenter la médaille. Il y a eu des promesses notamment dans la préparation olympique afin d’obtenir la première médaille olympique du Burkina Faso. Je ne doute point de l’engagement du Président quant au développement et au rayonnement du sport. 

Impakt Info : Vous venez d’améliorer le record d’Afrique du triple saut de 16 centimètres. C’est ce qui vous rend le plus fier ?

Hugues Fabrice Zango : J’ai en effet connu une progression régulière parce que chaque année, j’ai quand même réussi à repousser un peu plus ma limite. C’est une très bonne chose pour un athlète. Cela prouve en fait que je ne suis pas encore arrivé à maturité dans mon art. C’est ce que j’essaie de parfaire avec mon coach Teddy Tamgho et nous savons qu’il y a encore une marche de progression avec les données biomécaniques que nous avons tirées de ce récent championnat du monde d’athlétisme, au niveau de la vitesse, de la répartition des sauts. On sait qu’on a encore une belle marge de progression donc, on peut encore aller plus loin. Je ne sais pas jusqu’où je peux aller, mais je sais que si santé il y a, on peut compter sur ma détermination pour aller vraiment très loin. Faire des choses qui n’avaient pas encore été jusque là. 

Impakt Info : Pour être plus performant techniquement, vous avez eu recours à l’expertise de Teddy Tamgho qui détenait le record du monde en salle avec 17 mètres 92, avant vous. Il disait de vous en janvier dernier, au micro de RFI : « Il y a un gros moteur sous le capot ! Il est rapide, très élastique, très très fort, vous avez vu le corps qu’il a ? ». Que vous a-t-il permis que vous n’auriez atteint sans son apport ?

Hugues Fabrice Zango : Teddy Tamgho est en fait une grande référence, un grand nom dans le domaine di triple saut mondial. Il a été champion du monde et a déjà atteint les 18 mètres. Franchement, je peux vous dire que c’est un passionné. Etre passionné c’est capital dans ces disciplines où il faut créer des situations d’adaptation, parce que tous les athlètes ne sont pas les mêmes. Je veux dire par là qu’un même entrainement ne peut pas convenir à mille autres athlètes. La spécialité de Teddy Tamgho, c’est de déterminer tes qualités premières, tes points forts d’athlète. Dans mon cas, il a estimé que j’étais rapide et élastique. C’est par rapport à ces qualités premières que nous avons commencé un gros travail de les développer au maximum. C’’est ce qui nous a permis d’arriver aux résultats que vous connaissez. Ce n’est pas fini. Nous avons un gros boulot de développement de ma force. Nous avons jusqu’ici travaillé un rééquilibrage et cela fait déjà ses preuves. Mon coach est en fait un œil avisé et c’est ce regard qui conduit la progression pour aller chercher l’excellence. 

Impakt Info : Là où vous êtes bluffant, c’est qu’en plus, vous êtes Brillant étudiant en génie électrique. Vous comptez avoir un doctorat dans trois ans. Vous mettez cet objectif aussi haut  que celui des sautoirs ? C’est en vue d’une reconversion ?

Hugues Fabrice Zango : C’est vrai, je suis première année de Génie électrique et dans deux ans et demi, je pourrais être docteur de ce domaine du génie électrique. C’est depuis le bas âge que j’étais émerveillé par tout ce qui est technologie, systèmes de Télé et d’ordinateurs, par les têtes des concepteurs qui étaient derrière et qui m’ont toujours impressionné. J’ai toujours voulu savoir comment ça se passait. Faire des études de doctorat dans ce domaine, c’est un rêve de gosse. Le sport s’en est mêlé et j’ai développé une passion pour le sport aussi. C’est une double passion et je ne ressens pas l’envie de délaisser l’une pour l’autre. Ce n’est donc pas non plus dans une optique de reconversion que je fais des études. Il est vrai que le sport ne dure pas éternellement et après le sport donc, j’aimerai exercer mon métier dans mon domaine de prédilection. 

Impakt Info : Hugues, vous faites vos études en France. Plusieurs centaines de jeunes gens, de jeunes femmes et d’enfants ont péri dans la Méditerranée dans des conditions effroyables, en tentant de gagner l’occident. Est-ce donc inévitable d’être tenté par un hypothétique eldorado ?  N’y a-t-il aucun autre moyen de rêver pour un(e) jeune africain(e)?

Hugues Fabrice Zango : Hélas l’Europe a longtemps été vu comme un eldorado, et vous faites bien de dire ‘‘hypothétique’, c’était à souligner, parce-que l’Europe n’en est pas un. Malheureusement, on nous a toujours fait croire que c’en était un, à travers diverses informations qui nous vendent directement et indirectement ce cliché sous forme de rêve. La personne séduite va vouloir le toucher par tous les moyens. Les très courageux bravent la Mer mais malheureusement, ces braves gens échouent souvent. Le problème vient aussi de nos devanciers qui vendent du rêve aux plus jeunes en racontant des histoires selon lesquelles ils seraient allés en Europe et auraient réussis. Trompés, beaucoup arrivent et face à la triste réalité voudraient s’en retourner chez eux en n’y arrivant parfois pas. C’est un phénomène fort dommage. C’est avec le temps et une information plus juste que ce combat sera gagné. La jeunesse africaine notamment saura qu’aucun pays ne dépasse un autre, qu’on peut réaliser ses rêves et que la création de richesses est possible partout dans le monde. 

Impakt Info : Comment voyez-vous la jeunesse Burkinabè ? En quoi peut-elle raisonnablement espérer ?

Hugues Fabrice Zango : Elle rêve et elle est battante. Je pense que tout part d’un rêve. C’est déjà une bonne base. Ensuite, il faudrait que ce rêve se transforme en objectifs avec un plan bien défini pour les accomplir. Je pense que cette jeunesse peut tout faire de toute façon. Toute personne en réalité peut tout faire, c’est ce que je pense. Il faut qu’à un moment donné cette jeunesse se lève et se batte pour réaliser ses rêves. Il faut qu’il y ait tout de même des personnes ressources disponibles pour guider cette jeunesse. Elle a besoin d’un bon encadrement. Et il y a de plus en plus de Burkinabè reconnus mondialement pour avoir fait de grandes choses, ce qui veut dire que nous ne sommes pas en reste du monde. Nous pouvons tout faire pour nos rêves sur un plan personnel mais aussi pour le rayonnement du pays. 

Impakt Info : Sur les réseaux sociaux, vous exposez votre foi en Dieu. Qu’est-ce qui fonde autant de foi en Lui ?

Hugues Fabrice Zango : Alors… Je suis chrétien catholique. J’ai été élevé dans cet esprit. Au fil du temps, j’ai pu faire aussi mon expérience avec la Trinité Sainte : Père, Fils et Saint Esprit. Cela m’a conforté dans ma foi. J’ai vécu des situations dans lesquelles j’étais vraiment désespéré mais franchement, j’ai toujours ‘‘miraculeusement’’ pu m’en sortir. Tout ce que j’ai et gagne, je ne doute point que ce sont des grâces divines parce qu’il y a beaucoup de personnes que je croise et lorsque je regarde autour de moi, je me sens privilégié et je ne peux que rendre grace à Dieu pour tout ce qu’Il fait pour moi.

Impakt Info : Je vous laisse dire au revoir à  celles et ceux qui étaient en notre compagnie. 

Hugues Fabrice Zango : Merci beaucoup à vous qui nous lisez en ce moment. C’est parce qu’il y a vous, l’auditoire, que je réussis à me surpasser. S’il n’y avait personne derrière pour attendre de moi le meilleur, mes efforts seraient vains. Je prie Dieu de vous garder en santé et de vous aider à réaliser vos rêves. L’accomplissement, c’est très important, pour qu’au soir de votre vie, vous puissiez sourire et vous dire j’ai bien vécu, comme je l’entendais et je n’ai aucun regret.

Propos recueillis par Arnaud Nkusi

Crédits photos: Benjamin Soreau, Bertrand Zougrana, Zango Management

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