Signé Jean-Louis Ayabadja Kombe

Sans lui, le Quartier Latin International en ses albums Attentat, Force de frappe et Monde Arabe n’aurait pas la même saveur. La voix haut perché et du haut de son mètre 77, Cnn Alligator a fait plus que la pluie, le beau temps de ce groupe et de son leader Koffi Olomide, notamment lors du show mémorable de Bercy en l’an 2000. Le jeune artiste mordant qui en veut et envoi a allumé le feu des scènes où le Quartier Latin de sa génération a presté. 

Atalaku, c’est la spécificité de son chant. Une corde de plus à l’arc du chanteur qui a un timbre vocal fort remarquable. Sa particularité s’apparente à celle des griots d’Afrique et reconnaissable d’entre mille. Cnn Alligator l’a mise au service d’une musique congolaise cuisinée à la sauce Tcha Tcho et son apport, c’est ce ‘‘plus’’ nécessaire à enflammer les pistes de danses du monde entier. Le Ndombolo de sa bouche sort avec une saveur exceptionnelle.

Cnn Alligator est un battant. Il a arraché à la sueur de son front son adhésion à l’un des groupes musicaux les plus populaires d’Afrique, le Quartier Latin International et ensemble, ils ont quasiment sillonné la planète. S’ils peuvent chanter en choeurs, ce ne sont pas toujours des ‘‘enfants de choeur ’’. Ils peuvent se montrer féroces les uns envers les autres pour, pensent-ils, attirer à eux davantage de regards et/ou de faveurs du leader au détriment d’un collègue dont le talent leur parait redoubtable. 

Jean Louis n’a qu’à peine sept petites années, quand s’en va sa mère dans l’au-delà. Son père est militaire et  reste très sévère dans son éducation, malgré son grand amour. Il lui inculque la valeur du respect avec exigence de regarder droit dans les yeux tout interlocuteur sans baisser du regard et quelles que soient les circonstances. Cette attitude forgera le caractère de ‘‘dur à cuir’’ de l’adolescent et de l’adulte qu’est aujourd’hui Ayabadja Kombe. Mais la tendresse de l’artiste n’est jamais loin quand il se sent en sécurité. Il peut alors ouvrir son coeur et se confier. 

Impakt Info : Jean-Louis, avez-vous conscience que malgré votre taille moyenne et votre allure d’ado, vous en imposez ?  

Cnn Alligator : Oui, j’en ai vraiment conscience. Mais pour bien le résumer, je dirai que c’est Dieu qui réagit et Il le fait au moment opportun. C’est le Dieu de la musique. Il m’arrive de vouloir chanter chez moi, à la maison, sans que ça n’aille plus loin. Dès que c’est sérieux, qu’un micro est devant moi, que la musique est lancée et que donc le travail m’appelle, alors, j’y vais au point de m’impressionner moi-même. Je n’ai d’autre explication que Dieu qui réagit en moi. 

Impakt Info : Vous êtes donc à ce point croyant, Jean- Louis ? Parlez-nous de votre foi.

Cnn Alligator : Oh que oui! Je crois vraiment en Lui. Lorsque très jeune, j’entre dans le célèbre Quartier Latin International, nous étions dix-neuf venus tenter notre chance en tant qu’animateurs et au final, c’est moi qui ai été choisi. Pourquoi moi? Etais-je le meilleur de tous? Sans doute pas. Alors pourquoi moi? Eh bien parce-que … Dieu! Il a soutenu ma foi. Elle fut dès lors plus forte en Lui.  

Impakt Info : Vous sentez-vous toujours en combat ?  Le film de votre vie vous semble –t-il se dérouler sur un ring ? 

Cnn Alligator : Oui, c’est le combat de la vie hein, on est dedans, debout dans l’arène et c’est jusqu’à la mort. Tu commences par te battre pour toi-même, après, il y a tes enfants, tu dois te battre pour eux. Il ne faut pas lacher l’affaire. 

Impakt Info : Lorsqu’on écoute les titres sur lesquels vous chantez, on sent à la fois la détermination qui vous caractérise et en même temps, une certaine mélancolie qui confèrent un charme particulier à vos prestations.  

Cnn Alligator : On peut dire ça, oui. Si je me rappelle bien, la première personne qui m’a apprise à chanter, c’est ma maman. Et je n’ai grandi qu’avec mon père. Mon expression est donc un mélange des deux. La mélancolie, c’est cet apport féminin qui m’a toujours manqué. L’affection maternelle qui m’a manqué si jeune. Quant à la détermination, je crois que c’est le coté militaire de mon papa. Il a toujours été positif. Il m’a toujours parlé de me battre. Il m’a vraiment forgé. Je me considère personnellement presque comme un militaire. Il n’y a que la déontologie et l’uniforme qui manquent au tableau. Je dois aussi vous dire que chez moi, dans la région de l’Equateur, les mélodies y sont mélancoliques. Á l’image des griots, chez nous la musique s’exprime notamment dans les levées de deuil, les mariages et c’est avec cette musique folklorique que j’ai grandi.

Impakt Info : Vous-même avez des collègues du Quartier Latin International dont le talent vous impressionne ?

Cnn Alligator : Ah oui! Quartier Latin, c’est tellement de talents. J’ai toujours été impressionné par le talent de mes collègues. Pour former l’équipe que nous étions, il fallait du talent. Tenez par exemple, feu Babia Ndonga Shokoro, Eric Tutsi qui a fait le titre Dulcinée est bourré de talent, l’exemple vivant de Fally Ipupa qui émerge bien, c’est un gars qui a beaucoup de talent, qui aime son travail, un bosseur. Il y a eu Mamale, et beaucoup d’autres. Moi, j’ai aimé –pour ne pas dire envié- le talent des autres. C’est aussi cela qui m’a permis de beaucoup travailler, parce que je ne me sentais pas à la hauteur des autres. Alors, je bossais, je bossais, et jusqu’à présent.

Impakt Info : C’est la belle facette du Quartier Latin, quelques-unes de ses plus belles pages et vous le savez, de tous les noms que vous venez d’énumérer, nos lectrices, nos lecteurs veulent s’attarder sur Fally Ipupa. Il est aujourd’hui dans la lumière plus que quiconque du groupe. Quelle relation entretenez-vous aujourd’hui ?

Cnn Alligator : L’amitié entre frères hein. Lui, c’est un ami, un frère avec lequel j’ai beaucoup travaillé. On s’entend très bien mais avec la vie comme elle va, on ne se voit plus comme avant, mais il nous arrive de nous voir, de nous parler, de boire un verre. Vous savez, dans la vie, chaque chose a son temps. Á chacun son tour chez le coiffeur. Et si vous voyez votre ami émerger, avancer, évoluer, progresser,il faut toujours acclamer et glorifier le Bon Dieu. Je crois que c’est cela la force d’un homme. Je l’encourage toujours. Je sais qu’il fera encore plus que ce qu’il a déjà accompli. Je crois en son talent, en son rêve, en ce qu’il fait et il ira loin. Quant à moi, lorsqu’arrivera mon temps, je n’aurai rien forcé, tout ira naturellement. Je n’aime pas précipiter les choses, mais je suis prêt. Au moment opportun, il sera temps.

Impakt Info : Alors là, vous nous surprenez. Dans le domaine des métiers publics qui mettent les personnalités dans la lumière, le sport professionnel, le cinéma, la musique, on sait comment ça se passe entre gens du même métier, et dans le cas d’espèce, dans la musique congolaise, ce n’est pas un discours auquel nous sommes habitués. Dire autant de bien d’un collègue qui a un succès retentissant, lorsque soi-même on n’en a pas tant…

Cnn Alligator : La rivalité pour une certain émulation dans le travail, oui. Chacun cherche toujours à accomplir un travail meilleur que l’autre. Mais tu ne vas pas non plus voir l’autre travailler et progresser quand tu as les bras baissés et en attendre des merveilles. Non. Il faut travailler. Mais nous ne sommes pas non plus dans un type de rivalité, où il y a des rancunes, où l’on ne s’adresse pas la parole, où on n’aime pas l’autre. Moi, je dis ce que je vois. Le jour des trente deux ans du Quartier Latin, je lisais l’expression sur le visage des gens. L’impression, je me la suis faite sur la manière de nous parler. Pour moi, cela a suffit. Je ne vais pas aller chercher ce qu’il y a de caché en chacun. La vérité du coeur de chacun, c’est lui-même qui la connait. Chaque personne a sa façon de voir les choses.

Impakt Info : Alors que les uns et les autres, vous vous êtes dirigés vers une carrière en solo, par quel bon moyen, mesurer la solidité des liens qui vous unissent ? Quel est le liant entre vous aujourd’hui ?  

Cnn Alligator : La musique. Puis, d’autres activités. On se voit quand il faut se voir, on se parle quand il faut se parler, on va aller boire un verre, quand il faut en boire un, mais vous savez, quand vous avez une femme et des enfants, que vous avez un groupe avec des musiciens à gérer, vous avez des contrats, des fois même pour votre propre famille, ça devient un peu chaud.  Cela dit, on est  là et tout le monde souhaite le bonheur de l’autre, la bonne santé et voilà. Nous restons unis. Et lors de la célébration des trente deux ans du Quartier Latin, il y avait Fally, il y avait moi, presque tout le monde, Suzuki 4×4 et même ceux qui avaient joué dans le groupe avant moi, on s’est vu, on a parlé, voilà. 

Impakt Info : Quels titres du groupe vous touchent le plus au point d’être ceux que vous réécoutez le plus ? 

Cnn Alligator : Ouh! J’aime Mea Culpa, Dulcinée, Amen, (il fredonne ici l’air de Willy Bula dont il ne retrouve pas le titre Ma fille), Zaniha de Ondo, notre ainé qui vient de nous quitter, il y a peu. J’aime aussi Eternellement  et beaucoup d’autres chansons dont les titres m’échappent. Surtout dans les albums Magie et Force de Frappe. Vous ne m’avez demandé que ceux du Quartier Latin, n’est-ce-pas?

Impakt Info : Et si je vous demandais ceux de Koffi Olomide ?

Cnn Alligator : S.O.S , Eputsha, Noblesse Oblige, Zokere, Fouta Djallon, Henriquet. Il y en a plein, plein, plein que j’aime.

Impakt Info : Je les veux par ordre d’importance.

Cnn Alligator : En premier, il y a Zokere, en deux, Henriquet, puis Eputsha, Fouta Djallon, Miss des Miss, en sixième lieu Ngobila et beaucoup d’autres dont je n’ai pas les titres maintenant.

Impakt Info : Si vous deviez définir votre groupe et en décrire la particularité parmi d’autres groupes de RDC ou d’Afrique, vous diriez…

Cnn Alligator : … que c’est un grand groupe, parmi les deux plus grands d’Afrique. Sa particularité, c’est que dans Quartier Latin, il y a Koffi Olomide, un grand! Il incarne ce mélange de l’ ‘‘ancien’’ et du ‘‘ renouveau’’ . Des années 1970 à nos jours.  Il est le pont entre les deux générations et nous avons eu la chance de travailler avec lui.

Impakt Info : Que gardez vous de lui ?

Cnn Alligator : Je garde de lui, l’esprit de travail. Il nous a apprit à commencer par aimer ce que nous faisions en donnant le meilleur de soi-même. Il nous a légué ce trésor.

Impakt Info : La touche qui vous sera propre pour vos prochains disques et spectacles, cette particularité signée Cnn Alligator. Quelle sera –t- elle ? 

Cnn Alligator : Elle sera ‘‘ moi ’’ beaucoup plus que ce que j’avais pu donner . Avant, j’avais montré une facette à laquelle d’autres apportaient chacun la sienne. Maintenant, ce sera advantage ‘‘ moi ’’ avec ma façon de voir, de sentir les choses, ma voix.

Impakt Info : En dehors de votre profession, lorsque vous  êtes déshabillé de votre peau d’Alligator et revêtez votre personnalité d’Ayabaja Kombe, qu’est-ce qui vous caractérise?

Cnn Alligator : Il y a une différence entre les deux, comme vous le dites, c’est vrai. Cnn, c’est l’artiste, l’ami de tout le monde. Jean-Louis, c’est plus la personne qui est proche de sa famille., ses enfants, sa femme, ses frères, ses soeurs. J’aime trop ma famille.

Impakt Info : C’est agréable de discuter avec vous, Jean-Louis. 

Cnn Alligator : Merci Arnaud, c’est partagé. Je remercie l’Eternel et je sais que tout ira pour le mieux. Je salue tous ceux qui aiment Cnn à travers le monde. 

Propos recueillis par Arnaud Nkusi

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4 Comments

  • C’est comme un trésor au fond d’un placard, dont on se souvient un jour. Juste le moment de plonger la main dans le fond, et la pensée nostalgique qui accompagne. Un sourire, le trésor n’était pas caché. Il est aimé.

    Merci de nous donner. Encore et encore…

    • Bonjour Chantal,
      Vous êtes une poétesse. Joli commentaire qui nous encourage.

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  • Je ne connaissais pas et n’avais jamais remarqué cet artiste, mais à lire ce texte, j’ai presque envie de revoir tous les clips du Quartier Latin pour ne voir que cnn alligator. Bravo!!!

    • Bonjour Yves M.,
      Merci pour votre enthousiasme. Vous avez raison, allez revoir les clips du Quartier Latin, vous passerez de bons moments notamment avec Cnn Alligator.

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