Messieurs les Présidents

Le monde vous attendait et vous êtes venus. Chacun de vous, de nous, avait sa partition à jouer pour que la musique soit juste, bonne et que le refrain reste à jamais gravé dans nos mémoires. Mémoires rwandaise, française, africaine et du monde. Votre démarche concertée, mue par une volonté commune de ‘‘bien faire ’’ a abouti à cette date ce jeudi, 27 mai 2021. 

Messieurs les Présidents,

Chacun de vos gestes, de vos mots, de vos silences voire de votre respiration étaient scrutés. Les couleurs de vos costumes étudiés, vos regards et votre complicité analysés. Tout de vous nous parlait, les attentes étaient à cette hauteur-là. Puis, sont arrivés vos discours. D’abord le vôtre au site mémorial de Kigali. D’une force rare, parce-que sincère, profond, et le ton juste.    Monsieur le Président, votre discours était beau! Il ne pouvait satisfaire tout le monde.

Vous étiez attendu sur la présentation formelle d’excuses, une demande claire de pardon. Vous avez dit ce que vous avez dit. Il en fallait du courage. Vous l’avez eu, ce courage! C’est indéniable. A chacune, chacun de l’apprécier librement et de se faire sa propre opinion. Mais, lorsque vous avez embrassé la présidente de l’Association des Veuves du Génocide perpétré contre les Tutsis, en ces temps où les embrassades sont proscrites, cela a parlé, aussi. 

Messieurs les Présidents,

Vos discours côte à côte, empreints de solennité étaient certes politiques mais non moins humains, poignants, inscrits dans l’histoire. Indélébiles. Deux chefs d’Etats, certes, mais deux hommes d’abord, deux humains. Deux frères conscients de ce qu’ils représentent, de leur stature et de leurs responsabilités devant l’histoire. Chacun a attentivement écouté l’autre avec respect. C’était visible. Une leçon pour les plus jeunes générations de politiques mais aussi d’entrepreneurs dans divers domaines.

Oui, le respect, la dignité n’ont pas dits leur dernier mot, quoique l’on pense. Le ton en politique et sur d’autres terrains est à la vindicte populaire. Aussi bien sur les réseaux sociaux que dans les médias.  C’est dans l’air du temps. Il est loin le temps où les différends étaient discutés dans le respect mutuel, quelle que soit la longueur du temps qu’exigeait cet effort. C’est aussi pour cela que vos mots et leur ton ont résonné sur la planète. Appréciés et respectés parce-que respectueux.

Messieurs les Présidents,

Le respect n’exclut en rien le devoir de vérité et de transparence. Vous le savez mieux que quiconque et vous l’avez démontré. En mettant sur pied deux commissions d’historiens distinctes avec une mission commune: éclairer cette vérité sur le rôle de la France dans le Génocide perpétré contre les Tutsis. Les conclusions ne peuvent satisfaire toutes les parties quant à la ‘‘complicité’’ ou non. Aucun de ces travaux ne peut prétendre faire ‘‘toute la lumière’’. Mais il faut avancer. 

C’est dans cet esprit d’évolution que vous conduisez désormais vos concitoyens en mettant un point d’honneur sur la jeunesse. Vos discours parlent de ‘‘la chance que représente l’Afrique parce-que c’est un continent jeune ’’. Pour ne parler que du cas du Rwanda, 40% de sa population ont moins de 15 ans. Mais les jeunesses africaines rêvent de moins en moins d’Afrique et prennent le monde occidental pour modèle. 

Messieurs les Présidents,

La jeunesse de vos pays est une préoccupation que vous avez en commun. Vous avez bien raison, parce-que les plus jeunes vous regardent et vous tendent les bras pour avoir de vraies opportunités susceptibles d’épargner aux uns de risquer leur vie dans les eaux de la Méditerrannée et aux autres de perdre tout espoir de s’en sortir. Faites-les rêver à nouveau, messieurs les Présidents!

L’enfant africain célébré les 16 juin et la jeunesse européenne en mouvement attendent beaucoup de vos engagements respectifs et en commun. Vos politiques en leur faveur sont bien étudiées et si elles sont scrupuleusement appliquées, elles apporteront une bouffée d’oxygène à cette jeunesse prête à tout pour s’en sortir. Faites donc ce que vous dites. Pariez sur leur avenir. En l’éduquant, en lui donnant les outils dont elle a besoin pour grandir et jouer pleinement à son tour, son rôle. 

Messieurs les Présidents,

Lors de l’une de vos rencontres avec la jeunesse, Meet the President, vous leur avez dit: ‘‘ L’éducation signifie comprendre le monde qui vous entoure et apprendre à diriger dans ce monde compliqué. Vous devez acquérir des compétences et faire de votre mieux avec ces compétences. Faites donc quelque chose qui vous profite mais qui profite aussi aux autres.’’

En dépassant vos divergences à force de dialogue et de volonté, vous faites preuve, messieurs les Présidents de hauteur d’esprit et de grandeur d’âme. Cela est quand même critiqué? Ce n’est pas grave. Toute oeuvre humaine est forcément imparfaite. Ce n’est pas pour cela qu’il ne faut rien tenter. On ne jette de pierre qu’aux arbres qui portent du fruit.

Messieurs les Présidents,

Le monde vous attendait et vous êtes venus. Vous avez joué votre partition en ne prêchant pas qu’avec des mots, mais avec des actes, du concret. Vous entrez et nous faites entrer dans l’Histoire. La grande histoire des femmes et des hommes qui savent se dépasser pour bâtir ensemble un avenir meilleur. L’impact est réel. Rendons-le tous ensemble irréversible!